• Nocturne

      

     C’est un chemin, de nuit,

    éclairé à intervalles irréguliers

    par des lueurs

    presque imperceptibles.

    Sans elles pourtant

    qui donc

    continuerait à avancer ?

     

    Il arrive

    qu’en approchant de l’une d’elles

    on la voie

    s’éteindre.

     

    Le cœur du voyageur

    se resserre.

    Pourquoi ce noir encore plus noir ?

     

    Mais que peut-il

    sinon marcher ?

     

    Dans sa tête

    une attente persiste :

    d’une éclaircie enfin.

    Ne pas s’arrêter.

     

    Dans l’obscurité il avance, et se dit :

    Mon corps est épuisé

    mon esprit excédé,

    mais quelle est cette attente qui ne me lâche pas ?

    Je suis parti, à cause d’elle,

    je poursuis ma route, à cause d’elle,

    je ne crois rien, je ne vois rien, n’espère rien,

    elle attend

    à ma place.

     

    Dans le noir il chemine, et se dit :

    Quelle attente

    insistante !

    Elle est ici, depuis toujours.

    Elle m’a précédé, et me précède encore.

    On dirait qu’elle est moi,

    plus que moi-même,

    on dirait qu’elle y croit,

    lorsque je ne le veux pas.

     

    Dans la nuit il progresse, et se dit :

    Quel est ce noir

    consistant ?

    Jamais il ne me quitte.

    On croirait

    un compagnon fidèle.

    Au lieu de m’anéantir

    il m’attire

    toujours davantage en lui,

    et en lui je vais.

     

    Le voyageur marche,

    comme tenu par la main

    d’un côté sa nuit

    de l’autre son attente.

    L’éclaircie est-elle proche ?

    Que lui importe ?

    L’attente et la nuit ensemble

    lui découvrent un chemin

    sur lequel il marche.

     

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  • Notes qui ont su mourir

     

    Les notes, au comble de leur développement,

    se perdent dans la partition qui les unit.

    Mourant l’une dans l’autre,

    elles donnent naissance à l’accord

    dont elles vivent.

    Cette portée d’harmonie n’est pas

    de celles qui demeurent.

    Elle est une piste d’envol.

    Voici donc quelques notes,

    de celles qui ont su mourir,

    qui ont déjà pris de la hauteur,

    loin de leurs lignes.

    Chacune, seule, vole à l’horizon,

    avec en vue le pays

    qu’il lui revient de conquérir.

    Lorsqu’elle y parvient,

    elle y verse une symphonie.

    Chacune de ces notes, à ce point,

    est à elle seule un accord

    qui sans cesse se renouvelle.

     

    Note de poussières éparses,

    qui flottent dans un air vif

    comme de légers flocons de neige

    malgré leur grisaille

    et leur fatigue.

    Minutes qui se laissent dérober,

    paroles qui se laissent emprunter,

    une vie comme une page blanche

    peu à peu recouvre tous les désirs.

    Le temps a changé de place,

    l’avenir ne le comble plus,

    un présent venu d’ailleurs

    accomplit tous les passés.

    La personne la plus proche

    détourne en elle

    l’univers

    comme une étendue de neige

    reflète le soleil.

      

    Note d’enfances, de joies,

    et de pleurs accueillis,

    tourbillon de fleurs printanières

    dont la légèreté soutient

    les poids inévitables de chaque jour.

    Coïncidences de ces harmonies

    ou de leurs absences.

    Vieillesse plus libre que jeunesse,

    jeunesse dont la mélodie

    se donne sans cesse

    pour embellir le concert.

    La variété des airs fredonnés

    évoque les fleurs coupées

    du chanteur.

    Ses larmes et ses rires

    offrent à la nature

    le retour méconnaissable

    et bouleversant

    de sa splendeur.

       

    Note de silence dont l’écho

    résonne aux quatre coins du monde,

    paroles que l’on coupe à la racine

    pour qu’elles soient données

    bien plus loin que leur portée.

    Mots désirés et préparés

    réduits à néant

    afin que naisse de leur mort

    la ballade somptueuse de l’univers.

    L’orchestre occupe tous les continents,

    le concerto est joué par tous les peuples,

    chacun délivrant son ensemble d’instruments.

    Richesse inépuisable,

    qui appartient au seul silence.

    Possessions innombrables

    que l’on ne garde jamais

    et dont on jouit sans cesse,

    récital de ceux qui se taisent

    et répandent le bonheur.

        

    Note de détente,

    soulagement qui succède au risque

    de mort.

    Le corps éprouvé,

    ponctuellement ou amplement,

    apporte aussi l’isolement.

    Prendre la destruction de tous côtés.

    Au bout, la relâche, autre genre

    de démolition,

    celle du requiem qu’on était prêt à composer,

    de l’opéra grandiose dont on rêvait,

    du largo qu’on pensait donner à la vie.

    Inattendus, des allégros s’exécutent

    et infusent dans le corps un air de liberté.

    L’on court sur les sentiers de la forêt,

    de retour chez soi l’on invente

    l’odeur alléchante, la disposition attrayante

    de mets délicieux.

    Dans ce temps retrouvé

    commence le ballet.

       

    Note de transparence,

    perle de beauté,

    présence qui resplendit

    sur tous les rivages,

    étincelles de mer

    qui embrasent la terre,

    promesse tangible

    enchâssée dans le présent,

    alliance

    qui renouvelle le ciel,

    fantaisie qui prend place,

    liberté qui se joue de l’espace,

    myriades de voix cristallines,

    choix sans appel

    d’un envol limpide.

       

    Note de clarté,

    issue d’une dissonance.

    L’accord qui s’ensuit

    baigne l’espace de sa lumière.

    Parfois, une voix déformée

    tente d’éveiller

    des résonances séduisantes.

    Son éclat métallique n’est qu’imitation.

    L’ayant entendu et refusé,

    on se relève en plein jour,

    dans la neige et le soleil

    de l’accord.

    Une parole claire,

    d’ailleurs et d’ici,

    donne toutes ses nuances

    aux reflets de la mer.

    Nostalgie d’une discordance:

    humilité et vérité de l’enfance.

       

    Note de l’univers,

    blessure cachée

    qui a pour nom espérance,

    rejet qui rapproche.

    Que ce soit un moyen

    ou une personne,

    elle est à la croisée des ouvertures.

    Ce signe élève et attire.

    Sujet qui s’offre

    dans le corps d’où il procède

    et dont il devient

    le créateur.

    Tout instrument dépend de lui

    ainsi que le choix de la mélodie.

    Il est le passage,

    l’objectif aussi.

    Multiplié,

    un corps unique est illuminé.

                                                           

    Le chant s’élève

    pour enfanter la terre.

    Il ira jusqu’au bout

    des notes et des accords

    pour donner son air

    et ses paroles

    à chaque habitant

    qui le désire.

    Ne pouvant les discerner,

    il verra cette volonté

    en tous, proches et éloignés.

    Il se fera, pour les uns

    et pour les autres, paternité

    et maternité.

    Passion et douceur,

    force et patience,

    seront les variations

    fécondes de ce thème.

    Au fond, on entend une voix

    qui veille

    et se prolonge.

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  • Portrait d’artiste en jeune vieillard

     

     

    Qui est-il ce monsieur très âgé

    qui prétend comme un cabri bondir,

    fait tout pour ne pas rester figé,

    écrit, peint, et veut toujours grandir ?

     

    On émet un avis mitigé.

    Il dit : mais je suis de l’avenir !

    Il se voit déjà par eux mangé

    mais veut en secret les réunir.

     

    Ah la beauté ! De jour et de nuit,

    près d’elle jamais il ne s’ennuie !

    Quand il ne la voit plus, il s’émeut :

     

    Sais-tu à quel point je suis sensible ?

    Oui ! Il croit à l’œuvre qu’il promeut.

    Je suis, dit-il, l’or inaccessible !

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  • La fabuleuse et merveilleuse histoire d’un poète

    à la recherche d’un introuvable objet

    (version brève)

      

    Un poète vous savez

    c’est comme un explorateur.

    Il s’embarque sur une idée fixe.

    Par exemple, il veut trouver une nouvelle route vers l’Asie

    mais il découvre l’Amérique.

    Le poète dont nous voulons vous

    raconter l’histoire

    c’est exactement ce qui lui est arrivé.

    Il avait un objet en tête, qu’à tout prix il voulait trouver

    et jamais il ne le trouvait.

    Il faisait plein de calculs

    Vous vous rendez compte :

    un poète qui fait des calculs ?!!!

    il faisait plein de calculs

    pour repérer à l’avance

    l’emplacement de l’objet.

    Et quand il y parvenait

    jamais l’objet ne se trouvait là.

    Une nuit

    car, la nuit, adviennent d’innombrables prodiges,

    une nuit donc, il se mit en colère

    contre sa petite voix.

    Ouh là là ! Ici, il faut une note de bas de page.

    Qu’est-ce que c’est que cette petite voix ?

    Eh bien, je vais vous le dire :

    le poète, souvent, dans sa conscience,

    entend une petite voix qui essaye de lui souffler

    ce qui pourrait être le mieux pour lui.

    Mais il reste libre de l’écouter ou non !

    Eh oui !

    Donc, cette nuit-là, il fit des reproches

    à sa petite voix :

    « Quand même, hier,

    dans ce merveilleux paysage

    que nous avons parcouru,

    l’objet que je cherche,

    il devait bien s’y trouver, c’est sûr !

    Pourquoi ne m’as-tu pas aidé à le voir ? »

    Et la petite voix du tac au tac lui répond :

    « Mais mon cher, je te l’ai montré,

    tu l’as même touché, et tu ne l’as pas reconnu.

    Désormais, regarde ! Il est tout près de toi,

    va vers lui. »

    Le poète demeura interloqué.

    Je ne vous dis pas l’effet que cela produisit

    chez lui.

    À dire vrai, cet objet qu’il n’avait pas reconnu

    il le côtoyait depuis des années.

    Mais il ne voulait pas le voir, il le fuyait.

    Il avait en tête une image très différente,

    et les images, vous le savez, pour un poète

    c’est très contraignant !

    En fait, il se créait des images

    d’une qualité morale et intellectuelle

    très élevée

    qui le mettait à l’abri de ce qu’il appelait

    les faiblesses humaines.

    En revanche, l’objet,

    celui qu’il ne savait pas reconnaître et qu’il fuyait,

    éveillait en lui

    les précieuses richesses de son humanité.

    Cela lui faisait peur.

    Mais cette fois,

    l’injonction avait été si nette

    qu’il décida de ranger les images.

    Comme la petite voix le lui avait dit,

    il se rapprocha de l’objet,

    celui qu’il n’avait pas reconnu,

    mais sans trop savoir comment le prendre.

    Eh oui ! ses plans antérieurs

    s’étaient entièrement effondrés !

    Il était redevenu

    comme un enfant inexpérimenté et maladroit.

    Tout en s’approchant

    il se rendit compte que, dans sa pensée,

    dans son cœur, dans son corps,

    il y avait à son insu

    une place depuis longtemps préparée

    pour cet objet.

    C’est à cette époque que

    je fis la connaissance du poète.

    En réalité,

    et je m’en suis rendu compte tout de suite,

    ce n’était pas tant l’objet

    qu’il n’avait pas reconnu,

    c’était lui-même.

    Il ne s’était pas lui-même reconnu.

    Mais de ce jour je ne vous dis pas

    quelle joie l’a envahi !

    Il vit que l’objet

    sous ses réelles apparences

    illuminait

    son corps, son cœur, sa pensée.

    Il commença à regarder plus attentivement

    autour de lui.

    Il découvrit que beaucoup de gens cherchaient eux aussi quelque chose

    et qu’ils espéraient le trouver, ô surprise,

    chez lui, le poète !

    Il comprit bientôt que ce quelque chose

    se trouvait seulement chez lui.

    S’il ne le donnait pas, personne ne le trouverait.

    L’objet qu’il n’avait pas reconnu

    peu à peu prenait le visage

    du poète et de son humanité.

    Lorsqu’il l’avait fui,

    il avait fui sa propre humanité.

    Pendant toute cette période,

    il n’avait eu aucun cadeau à offrir.

    Il reçut l’objet chez lui

    pleinement.

    De ce jour il put donner

    aux uns et aux autres

    les trésors de son humanité.

    Il se produisit alors un événement considérable :

    tous, y compris le poète,

    s’embarquèrent sur un même bateau.

    Ils devinrent compagnons de voyage.

    Pendant toute la traversée

    ils échangèrent leurs trésors.

    Une nuit…

    Vous vous rappelez ?

    C’est la nuit qu’adviennent les prodiges !

    Une nuit, donc, leur échange se transforma

    en un corps d’une intense luminosité.

    Désormais

    l’activité au port est ininterrompue,

    personne ne s’embarque plus

    sur une idée fixe,

    tous s’embarquent sur cette lumière.

    Dans cette lumière,

    l’objet que chacun et tous recherchent,

    apparaît à la fois

    très proche et très éloigné.

    La lumière

    épouse toutes leurs humanités

    les comble

    et les pousse au large.

    Un poète, vous savez,

    c’est comme un peuple

    un peuple de migrants

    dont toutes les cultures offertes

    sont l’étoile qui les guide.

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  • Le décor

     

     

    Il y a la mort, et le sauteur solitaire

    bien au-dessus de la barre.

    Il y a la nuit, et le voyageur obscur

    se dirige à vive allure.

    Le poème se brise contre les récifs

    dans le vacarme du vent,

    et revient de la mer par la perte de l'île,

    clair    de la terre à l'envers.

     

    Il y a la ville, rapide et sans soleil,

    où tu ne vois plus le prêtre.

    Il y a le froid, l'éclaboussement de brume,

    au lever du jour les phares.

    La vie se perd et se recherche et se désire

    en femme que tu possèdes,

    et se retire à l'étreinte de ta pensée,

    erreur d'un monde à l'endroit.

     

    Il y a les enfants, leurs cris et leurs plongeons,

    les yeux ouverts sur l'immense.

    Il y a la terre et le soleil qui s'embrassent

    dans l'explosion de l'écume.

    La parole se fraie un chemin vers le jeu,

    descend sur la plage aux mouettes,

    et le chant élève la mort, la nuit, la ville,

    froid de la terre    à l'envers.

     

     

     

     

     


     

     

     

    Un personnage

     

     

    Il voyage, ignore où il va,

    et dans le corps de l'étoile il le sait,

    puisque l'enfant,

    le nouveau-né de tous les jours,

    a incendié ses yeux.

     

    Il n'a pas de place réservée.

    Comment cela se fera-t-il?

    Il n'a prévu aucun travail,

    voilà ses mains vides, et son corps,

    et le voyage dicte la parole.

     

    Il rencontre la clarté,

    reçoit le dieu qui l'a engendrée,

    veut lui répondre,

    espace vide,

    et lui retourne les mots qu'elle a mis en lui.

     

    Une voie rapide,

    et la fatigue du passage,

    et la joie du paysage,

    une voie claire et forte,

    et le doute s'est fait étoile.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


     

     

     

    Les autres

     

     

    Le ciel est bleu, au clair de jour indéfini.

    Les pays du couchant et de l'orient, du Nord

    et du Sud, croisent à l'étoile de midi

    sur une mer merveilleuse en source de l'or.

     

    Nous sommes les voyageurs venus du soleil

    et de la nuit claire, quand le monde commence

    à bondir au-dessus de la vie, tout pareil

    à l'univers de la plus petite semence.

     

    Un visage se perd, et s'enfouit, se retrouve

    au tournant d'un conte sans cesse découvert.

    C'est l'amoureux qui s'éclipse encore à l'envers

     

    du décor, une attente perlée qui éprouve

    l'harmonie. Un orage a la saveur du miel.

    Nous accueillons dans son ombre tout l'or du ciel.

     

     

     


     

     

     

    L'intrigue

     

     

    Cela commence par un corps mort

    qui s'émiette comme un puzzle

    qu'on laisse tomber.

    Des plaques de terre sèche

    sans aucun lien entre elles

    si ce n'est le vide.

    Une longue histoire de séismes

    qui met un terme

    à l'ère de la tranquillité.

     

    Tout est défini, tout est séparé,

    mais il y a les interstices.

    Espaces vides, qui dispersent

    ou qui rapprochent?

    Les personnages se sont bousculés,

    confondus et divisés,

    structurés à l'intérieur de cases

    étouffantes.

    Le récit est interrompu.

     

    Pendant l'entracte, des gouttes d'eau,

    que le public ne remarque pas,

    tombent dans le vide, ou le canal,

    qui s'étend au milieu des acteurs.

    Les hommes et les femmes s'avancent,

    recouvrent la terre d'un manteau

    de nouveau-né plongé dans la mer.

    Le corps, l'arbre de vie, se relève.

    Acte Trois, l'histoire continue.

     

     

     

     


     

     

     

    L'auteur

     

     

    Sur les planches de bois il joue son numéro.

    On ne l'entend pas, on ne le regarde pas.

    Il manie les projecteurs, comme s'il était

    à l'autre bout de la salle, obscur machiniste.

    Il est le chorégraphe, mais seuls les danseurs

    le savent, le public applaudit le spectacle,

    ignore la source, et assume ainsi le rôle

    qu'admirable metteur en scène il lui confie.

     

    Du coeur nocturne de la scène il fait jaillir

    le premier couple, qui ressemble à son histoire.

    Le corps du ballet, et l'être des figurants,

    prennent la forme et la danse de son histoire.

    Vers la gauche et vers la droite, puis vers le haut,

    sa création joue la face de son histoire.

    Lui, il demeure dans le bas et dans l'envers.

     

    Les premiers rôles, tous les acteurs, le public,

    développent sa mise en scène jusqu'au bout.

    Il est toujours sur les planches, mais ne sait pas

    l'air que vont choisir à l'instant ses partenaires.

    On l'oublie, on le trouve, les acteurs le louent,

    l'oeuvre est belle à sa ressemblance insoupçonnée.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


     

     

     

    Dans les coulisses

     

     

    On entrouvre une porte

    sur le calme, sur le chaud,

    qui s'établit côté jardin.

     

    Voici donc les vacances,

    le temps pour oublier tout,

    le lieu de la redécouverte.

     

    Une plage est déserte,

    la mer te laisse la place,

    toutes les étoiles s'étendent.

     

    Côté cour, souvenir

    d'un moineau, pour qu'il s'envole

    plus loin que toute la pensée.

     

    Les mots, d'abord patients,

    se recréent pour tout l'espace,

    se détendent tard dans la nuit.

     

    La surprise se dresse,

    le langage est inconnu,

    le crayon esquisse des vagues.

     

    On a perdu le temps,

    un nouvel acte commence,

    en rupture de ta pensée.

     

     

     

     

     

     


     

     

     

    Fantaisie

     

    Au tournant de la nuit

    sous les gouttes de pluie

    sur le chemin de terre

    en sortant d'une serre

    trois hommes se promènent

    là où la vie les mène

     

    Au virage du jour

    sous le soleil ils courent

    amoureux de la lune

    bondissant sur la dune

    en quête d'un trésor

    plus brillant que la mort

     

    L'histoire part du ciel

    avec un brin de sel

    se pose sur la mer

    avec un peu de fer

    se répand sur le sol

    jusqu'au sommet du col

     

    Les notes de musique

    d'après les lois physiques

    commencent par le la

    et nous parlent tout bas

    dans le fond du silence

    jusqu'au point d'espérance

     

    Et voici les trois hommes

    peut-être quatre en somme

    en suite de l'histoire

    en avance du soir

    au cours de la musique

    au son de la métrique

     

    La note d'espérance

    donne l'air de la danse

    triple saut dans l'espace

    nous regardons en face

    voici la valse humaine

    visage d'une reine.


     

     

     

    Indications scéniques

     

     

    L'atmosphère se referme sur elle-même

    mais les hommes sur la planète sont dehors

    et dedans aussi grâce à ce que leurs mains sèment.

    Ils respirent des liens au large et sur les bords.

    Ouvriers de la mer, ils tissent planche et voile

    pour leur seul navire à destination spatiale.

    Leurs doigts se glissent dans la trame de la toile,

    les danseurs élaborent le concept d'un bal

    des galaxies. On voit des nuages dans l'air.

    Les échelles du soleil couvrent d'un filet

    la ligne d'horizon et l'infiniment clair.

    On pourrait deviner ou prévoir le trajet

    que le vaisseau et son équipage suivront.

    Les hommes et les femmes se lèvent et gèrent

    leur société. Ils feront tout ce qu'ils voudront.

    Le spectateur s'étonne devant ce mystère.

     

     

     

     

     


     

     

     

    Un clown

     

     

    Il y a le silence de toutes les fleurs,

    mais on ne dit aucune d'entre elles muette.

    Un des personnages est tenté par les pleurs,

    mais il ose venir pour payer une dette.

     

    Il s'adresse au public pour le mur à construire,

    il dit la parole de la première pierre.

    En songe il entend des feuilles de laurier bruire,

    il voit leur maison déjà couverte de lierre.

     

    Et le public ne lui dit rien, mais c'est son rôle,

    on n'attend que du clown le talent d'être drôle.

    Donc bravant reniflements et quintes de toux,

     

    il reprend son trombone et grimpe sur sa chaise.

    Personne ne pense qu'il commet des fadaises,

    le silence des fleurs est la dette du fou.

     

     

     

     

     

     

     

     


     

     

     

    Le souffleur

     

     

    Dans sa tête, enclos protégé contre les vents,

    des tornades de mots s'entassent et somnolent,

    des barrières de neige et des nuages lents

    à demeurer stérile contraignent le sol;

    les arbres sont nus, le ciel gris à s'ennuyer,

    les fenêtres sont closes, l'espace restreint,

    et une vieille balançoire abandonnée

    rend l'esprit à un oiseau que le froid étreint.

    Regarde: ce nuage a l'éclat de la neige,

    ce pré coupé rappelle déjà le printemps,

    une question vivante bourgeonne: que sais-je?

    une réponse est claire: tout s'envole à temps.

    Rien ne s'immobilise et rien ne se disperse,

    les mots, la vie, l'esprit, sans cesse se poursuivent,

    la terre s'active ou se repose, tout berce

    son univers, dans la tête où tous les mots vivent.

     

     

     

     

     

     

     

     

     


     

     

     

     

    Mise en scène

     

     

    Il existe une étoile où le rêve devient

    réalité, il est un monde où l'idéal

    devient histoire, il y a une nuit demain

    où l'absent devient présence d'un jour vital.

     

    Sur la scène, conversation imaginaire

    des personnages principaux, constant échange

    de leurs cadeaux, et le troisième millénaire

    s'avance au milieu d'eux en fête de vendange.

     

    Plus qu'un personnage, c'est l'étoile qui reste,

    et l'être proche au sein de la constellation,

    l'espace les engendre, ils ne font aucun geste

    ni ne disent mot hors de son rayon d'action.

     

    C'est la terre et son quotidien, midi et soir,

    ce n'est pas une illusion, mais quelqu'un vivant,

    un regard, une parole que l'on peut voir,

    c'est le rêve qui assume le corps du temps.

     

     

     

     


     

     

     

     

    Le nom

     

     

    Sur la scène la lumière s'éteint. Dans l'ombre,

    l'acteur se tient encore debout, à l'écoute;

    une voix, celle qui un jour lui a dit: monte!

    le retient, bien après le départ de la foule.

     

    Il existe une osmose inouïe entre elle et lui,

    sous le feu des projecteurs, c'est elle, la voix;

    il n'est rien, si ce n'est tout ce qu'elle lui dit,

    il est tout, quand c'est d'elle qu'il tient son savoir.

     

    Les autres comédiens, les danseurs et danseuses,

    ont appris comme lui l'art d'être et ne pas être,

    leur adhésion à ce qu'ils entendent fait naître

     

    leur accord, et ils offrent cette mélodie

    de l'avenir à l'auteur de la symphonie.

    Ils sont la compagnie de la nuit lumineuse.

     

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