• LA FORÊT

     

    ou

     

    Le poème de l’incertitude lumineuse

     


     

     

     

    Voici.

    Nous sommes à l’orée de la forêt,

    en vue d’un chemin

    inextricable

    et que nous voulons parcourir jusqu’au bout.

    Écartons les premiers branchages.

    Passons,

    le ruisseau franchi,

    sur l’autre bord,

    celui qui nous emmène là où nous ne voulons aller.

    Soyons décidés,

    et laissons-nous

    détourner

    par le vent qui s’infiltre dans le bois.

    À l’abandon !

     

    ***


     

     

     

    L’on croit vite la forêt

    disparue,

    l’on s’envole ainsi que le sentier,

    et retombe

    aux pieds de branchages encore à écarter,

    devant un ruisseau à franchir à nouveau.

    L’on s’efforce de passer,

    saisit l’obstacle,

    piétine.

    L’on regarde, pétri de faiblesse,

    l’obscur

    qui joint les arbres entre eux.

    Une douceur nous atteint.

    L’on marche,

    sans se soucier,

    parmi les sapins couverts de neige.

    D’un bois sombre de plus en plus entourés,

    nous recevons,

    inévitable,

    l’étincelle.

     

    ***

     


     

     

     

    Et la forêt prend feu,

    en un instant disparaît !

    Nous sommes là, debout,

    ou en marche, ou en vol,

    dans un espace

    ouvert

    qui nous livre l’horizon !

    La brûlure est ici,

    mais comme guérie,

    et sans cesse se ravive,

    mais, oh ! pour s’évanouir !

    L’incertitude étreint l’univers,

    amoureuse

    qui ne saurait laisser tranquille

    son amant.

    L’on progresse

    parce que trébuche,

    le feu nous consume

    telle une jeune pousse

    qui n’en finit de surgir !

     

    ***


     

     

     

    Nous sommes cette jeune pousse,

    dont la sève a besoin

    d’être consumée

    pour la vivifier.

    Voici la vie,

    qui ne peut se passer de mourir

    pour devenir immortelle.

    Voici l’homme,

    qui ne se lasse d’être seul

    pour atteindre son frère.

    Voici la forêt,

    qui ne cesse de se réduire

    pour laisser aller

    les voyageurs.

    Perdus à la croisée des chemins,

    égarement, isolement,

    tout n’est qu’illusion,

    nous voici, dans le feu,

    enlevés,

    repris

    ensemble

    par le vent !

     

    ***


     

     

     

    Ensemble !

    Par quel prodige !

    Mais dans l’envol

    persiste l’obscur,

    l’opacité de l’incertitude,

    l’insistance de l’absence,

    en tout cas

    le domaine privilégié de l’homme.

    Et si cette tache dans la clarté

    était simplement

    notre lien ?

    Ce qui freine l’envol,

    son élan ?

    La forêt enchevêtrée,

    la preuve de notre voyage ?

    L’incertitude règne !

    L’homme ne saurait mieux dire :

    c’est elle, bien sûr, sa reine,

    qui veut son bien, et l’ordonne.

    Loin de le dominer,

    elle le sert,

    de l’asservir,

    elle le libère,

    de l’attrister,

    elle le comble de joie !

    Au fond du bois, il est midi.

     

    ***


     

     

     

    Midi stable,

    dans la forêt pareille au ciel.

    L’homme

    répand sa couleur

    sur le sentier.

    Solitude et nuit étreintes

    ne savent plus l’empêcher

    de prononcer nettement :

    Nous voici !

    Nous ne connaissons pas le sens

    mais nous avançons,

    nous sommes éblouis

    mais nous regardons,

    nous sommes assourdis

    mais nous écoutons.

    L’incertitude

    nous entraîne,

    le silence

    nous fonde,

    nous comblons de biens

    notre heure.

     

    ***


     

     

     

    L’heure de donner,

    jusqu’au bout.

    L’heure de se lier,

    partout.

    L’heure de créer,

    debout.

    La forêt, tel l’univers

    qui se diffuse

    sans cesse.

    L’incertitude,

    comme le chemin qui toujours

    progresse,

    et fonde l’homme.

    Il marche,

    aux côtés de ses semblables

    tous différents,

    perdu en eux,

    qui lui révèlent

    ensoleillée

    la direction

    de la brise.

     

    ***


     

     

     

    Nous y sommes.

    Le point où nous ne voulions aller.

    Le lieu de la dispersion,

    de l’écartèlement.

    La forêt détruite,

    le spectacle de ses vestiges :

    arbres abattus,

    troncs délaissés,

    branches brisées,

    feuillages déchiquetés,

    qui s’amoncellent,

    pour rien.

    Inconscients,

    ne faisant plus obstacle à rien,

    ils laissent venir,

    à ras de sol,

    d’infimes rayons du soleil,

    qui peu à peu s’étendent,

    orientent le regard,

    rehaussent

    les reflets de nos déchets.

    Quel est ce jour,

    dont les teintes, pastel ou éclatantes,

    ocres et rousses,

    revêtent

    les débris de nos bois

    d’une touche

    de fondation ?

     

    ***


     

     

     

    Jusqu’au fond de la nuit,

    parmi les arbres tranchés

    multiplier sans réserve

    l’éclat du soleil !

    Parler seul,

    parler ensemble,

    avancer d’un pas après l’autre,

    ne pas nous regarder,

    sûrs l’un de l’autre.

    La forêt veut l’homme

    seulement pour elle.

    Il s’y engouffre,

    au point de ne plus rien connaître,

    là où, précisément,

    nous

    sommes.

    Cette aurore persistante,

    tout de suite l’oublier,

    voyager comme si,

    dans la forêt en plein midi,

    toujours la nuit

    resplendissait.

     

    ***


     

     

     

    Nuit dont la dot

    a la légèreté

    triomphante

    d’un ciel bleu,

    la couleur

    persistante

    de la patience,

    le son

    imperceptible

    d’un écho,

    qui ne laisse aucun doute

    sur la source.

    Forêt ou firmament, qui

    exalte le voyageur,

    l’homme, qui

    au sommet de sa solitude

    ne connaît que

    notre

    étoile, qui

    au comble de sa lumière

    sombre,

    et ne laisse luire,

    dans les espaces sans cesse à parcourir,

    que la forêt,

    et son ombre.

     

    ***


     

     

     

    Dans l’ombre,

    embrassant les espaces

    s’établit le silence.

    À sa suite

    l’humanité s’avance.

    Tournée vers une reine

    muette,

    de toutes ses forces

    elle la remercie.

    Absence de parole,

    qui ne cesse

    de dire,

    de décrire,

    de convaincre.

    Dans ce désert des mots,

    se profile

    l’inépuisable talent

    de construire.

    Sur le chantier

    s’établit la lumière,

    et son mouvement.

     

    ***


     

     

     

    Mouvement,

    qui sort de la nuit,

    et va d’une étoile à l’autre

    et revient

    plus lumineux que d’abord.

    D’innombrables lueurs

    se perdent,

    meurent,

    et resplendit leur firmament.

    Astres,

    riches en nuances humaines,

    qui par leur anéantissement

    l’un l’autre se reçoivent

    dans le cœur de leur existence.

    Du sein de la forêt

    se redressent les arbres.

     

    ***


     

     

     

    Tous les arbres !

    Pour le voyageur,

    ils deviennent

    ses compagnons.

    Comme lui,

    ils ont traversé

    la destruction.

    Avec lui,

    ils se relèvent,

    composent

    la forêt du printemps,

    écartent

    les branches,

    franchissent

    les ruisseaux,

    laissent glisser

    les étoiles.

    Le chemin se déroule,

    protégé par l’obscur,

    la marche de l’homme

    s’affirme,

    entourée de tendresse

    par l’incertitude.

     

    ***


     

     

     

    Dans la forêt

    comme dans la tendresse

    il y a le temps

    du combat.

    Lorsque pour rejoindre

    l’incertitude

    et sa marche

    l’homme doit lutter,

    ne pas se laisser détourner

    par les feuilles d’automne

    et leurs ocres séduisants.

    Voici l’hiver,

    et son corps blanc

    qui repose

    et féconde

    les voyageurs.

    Laissons-nous recouvrir

    par son silence.

    Laissons-nous étreindre

    par son sommeil.

    Légèrement en dessous

    du niveau de la brise.

     

    ***


     

     

     

    Parmi l’hiver

    et son envol blanc

    nous nous promenons.

    L’homme,

    privé comblé de tendresse,

    vient à la rencontre

    du vent

    et de son souffle

    froid,

    qui réchauffe.

    Mystère d’une saison

    dont le frisson

    rapproche,

    dont le givre

    illumine.

    En voyage,

    livré au vent,

    l’on

    devient créateur

    et sculpte le monde

    de tendresse.

    Par une pluie fine

    qui n’en finit plus de nous baigner,

    sur la forêt nous régnons.

     

    ***


     

     

     

    Sur le ciel nous régnons !

    La lumière

    a saisi la forêt,

    l’a remplie de parfums,

    l’a imbibée de saveurs.

    Le chant

    de milliers d’oiseaux minuscules

    la porte sur les airs.

    L’horizon s’ouvre,

    et la déploie,

    transparente.

    Nous touchons

    l’infini.

    Quelle est cette balade

    ordinaire,

    lorsque je n’existe

    que pour toi ?

    Sous les feuillages toujours verts

    je ne cesse de te parler.

    Quel est ce ciel

    qui nous emmène

    et nous recueille ?

    Notre forêt,

    qui n’en finit plus

    de nous envoler…

     

    ***


     

     

     

    Dans la forêt,

    lorsqu’elle s’envole,

    nous établissons

    notre campement,

    installons notre tente.

    Nous avons déplié

    nos couches sur le sol,

    j’affine le repas

    pour toi,

    tu dresses la table

    pour moi, comme tu me le dis.

    Tout en devisant,

    nous élevons les couleurs du ciel.

    Un orage,

    qui quelques instants

    a troublé notre voyage,

    se manifeste comme le prélude

    de notre halte dans la lumière.

    Assis par terre,

    nous nous reposons

    dans le langage de la forêt,

    oubli,

    et sommet,

    de notre marche.

     

    ***


     

     

     

    Il y aura, sans tarder,

    notre nouveau départ.

    En attendant,

    sans attendre,

    nous bavardons.

    Nous évoquons

    les joies des origines,

    les accidents de parcours,

    les détours,

    les retours.

    Au fur et à mesure,

    sans rien dire

    pour ainsi dire,

    notre parole

    s’appauvrit,

    s’évanouit,

    laisse resplendir

    le langage de la forêt.

    Des noms innombrables

    le déclinent.

    Autour de notre tente,

    sans avertir,

    des bribes de conversation

    s’unissent.

     

    ***


     

     

     

    Comme si tu portais la forêt

    en toi,

    et moi comme enterré sous les sentiers,

    ta parole verse sa douceur

    pour éclairer notre tente,

    et moi plus éteint que jamais,

    comme si plus rien ne m’importait

    sinon le passage

    de la lumière.

    Soudain,

    parmi les bribes éparses de conversation,

    au coin d’un détour,

    juste là où tu devais

    ne pas être,

    voici le retour

    constant

    de ta patience.

    Comme si tu portais le ciel

    en toi,

    et moi comme paralysé sur le sol,

    tu me relèves,

    nommes au bout de mes doigts

    la parole,

    répands notre voyage

    au sein et à l’entour

    de la forêt.

     

    ***


     

     

     

    Est-ce l’issue

    de la promenade en forêt,

    cette foule de visages

    reconnaissables

    et pourtant surprenants

    comme si nous ne les avions jamais

    rencontrés ?

    Nous nous tenons à leurs côtés,

    avec l’obscurité,

    avec la clarté,

    qui nous a pénétrés

    au cours de la marche,

    au cours de la halte.

    Anéantis ! Chacun de nous ?

    Oui !

    Quel triomphe !

    Seuls ! Chacun de nous ?
    Oui !

    Quel peuple !

    Jamais le vent n’a autant

    soufflé !

     

    ***


     

     

     

    La forêt !

    Comme si je la portais dans mes bras !

    Comme si tu la gardais en toi

    toujours.

    Les voyageurs s’étonnent

    et se réjouissent

    devant leur domaine.

    Aujourd’hui ils le connaissent.

    Inquiétude amoureuse,

    qui réalise le beau.

    Puisse-t-elle ne jamais s’échapper !

    Ils replient leur tente,

    lèvent le camp,

    poursuivent leur chemin

    à travers les branchages,

    par dessus les ruisseaux,

    de l’aube au crépuscule,

    et, croirait-on,

    tout au long de la nuit.

    C’est la terre et son temps

    qu’ils parcourent,

    ils n’ont à leur donner

    que la lumière.

     

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  • Toutes les portes

    de notre peuple

    se sont ouvertes :

    je suis chez toi,

    humanité.

     

    *

     

    Maintenant

    je veux

    me plonger dans la lumière

    pour que toi,

    tu sois

    dans la lumière.

     

    *

     

    Maintenant

    que je suis chez toi,

    tu me dis,

    tu me cries

    « J’ai besoin de toi ! »

     

    *

     

    Et toutes tes espérances

    et tous tes caprices

    se dressent

    se rassemblent

    dès le premier instant.

     

    *

     

    Il faut

    même sans force

    creuser la terre

    jusqu’au milieu de nous

    et en vérité

    avec tout notre cœur

    fonder

    la longue demeure

    de tes enfants.

     

    *


     

    À peine l’aube

    je tombe,

    pour que toi,

    tu te lèves.

     

    *

     

    Posséder ta maison,

    comment le pourrais-je !

    Et pourtant j’essaie,

    je m’y affale,

    et tu vas mal, bien sûr !

    Tu me supplies de me lever.

    Je me redresse,

    j’hésite, je retombe.

    Je t’en prie,

    humanité,

    exige-moi !

     

    *

     

    Je voulais

    venir chez toi.

    Maintenant

    que j’y suis,

    je ne sais pas

    être.

     

    *

     

    Ta maison aujourd’hui

    n’est pas à habiter,

    mais à

    élever.

     

    *

     

    Renaissons !

    Car tu veux

    la lumière !

     

    *


     

    J’ai ouvert,

    par erreur,

    une porte ;

    à l’intérieur

    tu m’attendais.

    Dans notre intimité

    tu ne m’as pas dit

    ton malaise,

    tu m’as regardé.

    Dans ton silence

    tu m’as suggéré

    la parole.

    Dans ton regard

    nous avons

    resplendi.

     

    *

     

    Nous sommes.

    L’œuvre jaillit.

     

    *

     

    Maintenant que nous sommes,

    ne pas oublier :

    veillons.

     

    *

     

    Avec ma venue,

    c’est ma nuit

    qui est entrée

    chez toi,

    le sais-tu,

    humanité ?

     

    *

     

    Aujourd’hui,

    la nuit

    parmi nous

    s’est établie.

     

    *

     

    Elle brille de ton éclat,

    humanité,

    serait-elle

    ta sœur ?

     

    *

     

    Je suis

    chez toi,

    veux-tu être

    chez moi,

    dans ma nuit ?

     

    *

     

    Je suis venu,

    je n’ai rien.

    Toi,

    tu me donnes

    tout !

     

    *

     

    Je me mets à l’écoute

    de notre

    parole.

     

    *

     

    D’une seule voix

    nous suivons

    la symphonie.

     

    *

     

    Que tes enfants

    resplendissent,

    ou s’obscurcissent,

    le concerto

    nous maintient à leurs côtés.

     

    *

     

    Oui,

    parmi eux

    il s’agit de creuser.

     

    *

     

    Lorsqu’il pleut,

    notre parole

    par respect

    se tait.

     

    *

     

    La pointe

    de notre silence

    approfondit

    le puits.

     

    *

     

    Notre descente

    dans l’obscurité

    dérobe à notre vue

    tes enfants.

     

    *

     

    Notre séjour

    dans le silence

    fait signe

    à tes enfants.

     

    *

     

    Ce qu’ils l’aiment,

    notre noir !

     

    *

     

    Si de tes enfants

    nous nous éloignons,

    s’élève

    peu à peu

    leur maison.

     

    *

     

    Maintenant que je suis chez toi,

    souvent je reste

    en silence.

    Aujourd’hui c’est à toi,

    humanité,

    de parler.

     

    *


     

    Et tu parles !

    De nuit,

    et de jour,

    ton existence

    dit

    la lumière.

     

    *

     

    Et tu parles !

    lorsque nous regardons

    des brèches

    dans notre maison,

    toi, forte et douce !

     

    *

     

    Et tu parles !

    lorsque se faufile un doute,

    que de ta fidélité

    tu balayes,

    toi, lumineuse !

     

    *

     

    Blessure en ton corps

    est ta parole,

    toute lumière.

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  • Je me donne à toi,

    humanité,

    pour marcher

    et veiller

    auprès de tes enfants.

     

    *

     

    Veiller !

    C’est toute ta part,

    qui devient la mienne !

     

    *

     

    Par quel mystère

    à chaque instant

    m’attires-tu à toi

    et me tiens-tu

    éveillé ?

     

    *

     

    L’impossible pour moi,

    tu me le demandes,

    pour toi.

    Et tu poursuis

    ta veille.

     

    *

     

    Dans ma recherche

    de toi,

    je te trouve déjà

    à mes côtés,

    patiente.

     

    *

     

    À l’orée de l’univers,

    avant le pas

    décisif,

    comme un cadeau

    précieux

    encore à ouvrir,

    ta patience…

     

    *

     

    Veux-tu me recevoir

    dans ta patience

    afin que je ne précipite pas

    sa lumière ?

     

    *

     

    Aux abords de la beauté ta maison,

    je t’en prie

    humanité,

    maintiens-moi

    dans ta patience.

     

    *

     

    L’attente,

    avant que je ne me laisse

    couler en toi,

    fonde

    notre œuvre.

     

    *

     

    Tes enfants

    s’approchent.

    Sois

    toujours en eux,

    humanité.

     

    *

     

    Parler à tes enfants,

    oui,

    mais avec en moi

    ta grandeur.

     

    *

     

    Ton étonnante

    grandeur !

    En elle,

    tes enfants

    sont

    des hommes.

     

    *


     

    Au repos

    dans ta patience,

    où,

    avec les absences,

    brille

    une présence.

     

    *

    Ta joie de ma venue

    donne

    à chaque parcelle

    de la terre

    un visage de ciel.

     

    *

     

    Tes enfants loin du ciel

    me réclament.

     

    *

     

    Étonnante joie,

    la tienne,

    la mienne,

    qui appartient

    à notre peuple.

     

    *

     

    Car

    me laisser couler en toi

    humanité

    dépend

    de notre peuple.

     

    *

     

    Notre peuple :

    forme visible

    et ordonnée

    de ton histoire.

     

    *

     

    Notre peuple :

    histoire

    tangible

    de ma soif.

     

    *

     

    Forme

    inachevée,

    prête

    à nous surprendre,

    à nous donner soif

    encore.

     

    *

     

    Forme

    déchirée,

    qui,

    par ce déchirement,

    se confirme

    peuple.

     

    *

     

    Déchirement qui se poursuit,

    semence qui s’enfouit,

    à un tel prix

    comment ne pourrais-je,

    humanité,

    t’être fidèle ?

     

    *

     

    Reviennent les oublis,

    mais ils s’effacent dans ta passion,

    ta décision,

    ta reprise en main

    de mon

    premier matin.

     

    *

     

    Voudras-tu avec moi

    demeurer en silence

    en cette heure

    qui précède l’aube ?

     

    *

     

    Volonté de silence,

    afin que je m’efface,

    et te laisse

    préparer ma venue.

     

    *

     

    Toi aussi,

    réserve de silence

    pour laisser

    que je m’efface

    et me soumette

    à ton désir.

     

    *

     

    Désir qui se tait

    se laisse

    entrevoir.

     

    *

     

    Instant qui se retire

    pour écouter

    ton désir.

     

    *

     

    Que j’écoute,

    et me laisse

    surprendre.

     

    *

     

    Humilité de l’ancien,

    qui se met à l’école

    de l’enfant.

     

    *

     

    Tes enfants,

    humanité,

    m’attendent

    pour

    m’enseigner.

     

    *

     

    Ton désir,

    en son premier matin.

     

    *

     

    Que je l’attende,

    ton désir !

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  • Sur la pointe des pieds,

    humanité,

    puis-je venir

    auprès de toi

    m’abreuver ?

     

    *

     

    D’où viens-tu,

    toi qui m’ouvres les yeux

    sur une histoire

    secrète

    infinie ?

     

    *

     

    Humanité,

    quelle est cette lumière,

    cachée en ton sein,

    qui commence à poindre ?

     

    *

     

    Tu es

    celle que je ne connais pas,

    qui surgit,

    incertaine,

    à chaque pas

    de l’univers.

     

    *

     

    Te voici,

    porte des peuples,

    douceur

    qui les laisse venir.

     

    *

     

    Au loin,

    sur des terres inconnues,

    tu m’accueilles

    chez moi !

     

    *

     

    Mon ciel

    n’existe plus.

    Nous sommes ailleurs,

    au pays du déluge

    ensoleillé.

     

    *

     

    Ton amour,

    humanité,

    par ce néant

    brille.

     

    *

     

    Ton ciel

    a reçu le mien,

    tous deux transformés

    en un firmament

    noir étincelant.

     

    *

     

    Tu me prends par la main,

    tu veux

    nous voir peu à peu

    découvrir

    ton pays.

     

    *

     

    De tes enfants

    inassouvis

    tu veux

    toucher en moi

    le malaise.

     

    *

     

    De tes enfants

    épris de beauté,

    tu veux

    contempler en moi

    la malédiction.

     

    *


     

    De tes enfants

    saisis de violence,

    tu veux

    pleurer en moi

    le désespoir.

     

    *

     

    À l’instant

    de notre liberté,

    tu me montres

    la terre

    sertie

    dans la lumière.

     

    *

     

    Tu m’invites à table,

    parmi tes enfants.

    Nous mangeons,

    puis tu me demandes

    de raconter

    mon histoire.

     

    *

     

    Mais où est donc

    mon histoire

    si ce n’est dans l’avenir,

    dans le domaine inconnu

    où tu me veux ?

     

    *

     

    Dans l’aridité soudaine,

    étonnante,

    loin de notre nourriture,

    pourtant

    royaume

    de l’un de tes enfants.

     

    *

     

    Dans le bond en plein soleil,

    qu’un autre me suggère

    sans regarder

    mon passé

    ni mes nuits.

     

    *

     

    Dans la liberté qui s’envole,

    loin

    des détournements,

    ou des destructions,

    jusque dans les espaces infinis

    qui te plaisent,

    humanité !

     

    *

     

    Indifférente

    à mes forces

    à mes faiblesses,

    tu me donnes

    au service, au bonheur

    de tes peuples.

     

    *

     

    Comme tu es belle,

    infinie

    parce que créée !

     

    *

     

    De ta finitude

    tu me revêts,

    dans ta multitude

    tu me relèves.

     

    *

     

    Pour tes enfants

    tu recherches

    ma parole

    passée par le néant

    en vue de ta clarté.

     

    *

     

    Tu es

    trésor

    inépuisable,

    incessante

    création.

     

    *


     

    Tu es

    la surprise,

    qui donne au temps

    son imagination.

     

    *

     

    Tu es

    la présence,

    qui me veut petit.

     

    *

     

    Tu es

    l’étincelle,

    qui m’éclaire

    de tes enfants

    la grandeur.

     

    *

     

    Tu es

    la conviction,

    qui me permet

    de m’incliner.

     

    *

     

    En ton sein,

    humanité,

    me suis-je aujourd’hui

    incliné

    devant la sensibilité

    de ton enfant

    et sa blessure à peine guérie ?

     

    *

     

    Tu m’aimes,

    incliné,

    à ton image,

    blessée.

     

    *

     

    Voici notre chance :

    ta blessure guérie,

    et mon désir

    de m’abaisser.

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  • Au matin du huitième jour, les créatures ont commencé à conduire le temps de la terre.

     

                                         ***

     

    Les créatures expriment la relation entre elles et donnent forme à la terre.

     

                                         ***

     

    Seules les créatures qui ont perdu la terre apprennent à conduire son temps.

     

                                         ***

     

    Les peuples de la terre perdue ont engendré des experts en conduite du temps.

     

                                         ***

     

    L'origine du temps, l'origine de la terre, a besoin de nous. Lorsque nous y sommes, tout est possible.

     

                                         ***

     

    Une femme, qui ressemble à l'amour, nous a menés jusqu'aux origines.

     

                                         ***

     

    Lorsque nous regardons la terre depuis les origines, chaque être vivant trouve sa place.

     

                                         ***

     

    Les habitants des origines se donnent les uns aux autres.

     

                                         ***

     

    Avec attention, devant un tel trésor.

     

                                         ***

     

    Une parole inédite s'est réalisée, tel quelqu'un qui s'approche.

     

                                         ***

     

    Plongées dans les origines, les créatures se heurtent. Elles donnent à la terre la solidité d'un roc.

     

                                         ***

     

    Plongées dans les origines, les créatures rencontrent le passé et parcourent l'histoire.

     

                                         ***

     

    La violence des conflits intérieurs, au sein des origines, se traduit en tensions extérieures. Les créatures apprennent leur être ensemble. Par la reconnaissance, chacune libre et joyeuse, de sa propre incapacité, elles se dirigent toutes vers la vraie douceur de la terre.

     

                                         ***

     

    Dans le silence, demeure du réel, une présence constante rappelle à l'ordre. Souplesse, vérité perdue, liberté fidèle. Elle plie devant toute résistance, qui ne peut que céder à son tour. Elle est forte, d’une volonté qui trempe l'humanité.

     

                                         ***

     

    La créature cherche l'ombre. C'est alors qu'elle reçoit du soleil lumière et douceur intense.

     

                                         ***

     

    De l'ombre parvient un chant.

     

                                         ***

     

    Le chant reflète soixante-dix sept fois sept couleurs, dont certaines blessées.

     

                                         ***

     

    Le chant est au travail. Il harmonise la terre.

     

                                         ***

     

    Une passion se dresse, d'un souffle qui veut servir la terre.

     

                                         ***

     

    Le chant irrésistible recherche dans son passé les notes jetées dans la terre.

     

                                         ***

     

    Sans la terre perdue, le chant ne serait pas comblé de liberté.

     

                                         ***

     

    Le passé d'un siècle brisé demande aujourd'hui la vertu d'un chant comblé.

     

                                         ***

     

    Le chant, dans ses notes mises à l'écart, reçoit la peur, la misère des hommes, et les exalte.

     

                                         ***

     

    Veiller, avec le chant, au milieu de l'espace, et regarder poindre la clarté, jusqu'aux limites de la mélodie.

     

                                         ***

     

    La mélodie a perdu sa dignité. Elle a eu l'audace de sonner à la maison d'à côté. Elle en a fait sortir les habitants et leur a permis d'entonner la petite musique du donner.

     

                                         ***

     

    Dès qu’ils sont immergés dans la parole, elle leur demande les accords des notes blessées.

     

                                         ***

     

    Le tout, par essence abandonné, nous demande d'exister pour elles.

     

                                         ***

     

    Surprenante et amoureuse telle une adolescente, la clarté, dans sa sagesse, nous essouffle et nous transfère de l'autre côté de l'existence.

     

                                         ***

     

    Choix libre et absolu du tout : lorsque nous sommes là, pour lui, jusqu'au bout, sans mémoire, sans attente, on croirait qu'il s'écarte et nous montre les délaissés, et que nous sommes pour eux.

     

                                         ***

     

    Le tout nous a pris exclusivement pour lui, afin que nous puissions être pour eux.

     

                                         ***

     

    Ils sont la volonté du tout pour nous. Lorsque nous leur parlons, avec eux nous devenons son image.

     

                                         ***

     

    Dans cette image, ou dans le réel, il y a le rien, il y a le tout, il y a ce qui unit le rien et le tout.

     

                                         ***

     

    Cette personne qui unit, portée par notre amour, nous ouvre les maisons d'une multitude. Inévitable, nouveau à chaque coin de rue, le visage blessure.

     

                                         ***

     

    Blessure, visage amour, garant de la lumière.

     

                                         ***

     

    (Dans les coulisses :)

    Tout le voyage de ma journée, visage blessure, c'est la conquête de ton cœur. Mais lorsque tu es sûr de moi, tu me renvoies vers l'autre, ce visage toujours présent, que je peux servir. Tu veux que je te perde. Tu me projettes sur la scène, où le poème ne peut que s'adresser à l'autre. J'irai et je lui parlerai.

     

                                         ***

     

    (Sur la scène :)

    Le poème est à toi. Aux yeux du visage blessure, tu vaux plus que lui. Pour moi, tu es le trésor qu'il me donne.

     

                                         ***

     

    Une femme vient à notre rencontre. Avec douceur, elle met en nous un souffle de révolte.

     

                                         ***

     

    Nous la suivons dans son effacement. Elle nous forme. En elle, les relations culminent.

     

                                         ***

     

    Elle nous emmène vers le comble de l'humanité, ce corps brisé, rejeté.

     

                                         ***

     

    Avec elle, nous prenons soin de sa maison.

     

                                         ***

     

    Le soir, elle danse et nous entraîne, parce qu'elle appartient de toute la force de son cœur au corps brisé et rejeté.

     

                                         ***

     

    Elle voudrait que nous demeurions toujours à ses côtés. Mais parfois nous la négligeons. Lorsque nous rencontrons à nouveau son regard, elle nous fait voir que nous sommes avec lui, ce corps rejeté, son seul amour.

     

                                         ***

     

    Toujours avec elle, ou toujours avec lui, notre conversation est spontanée, comme la beauté.

     

                                         ***

     

    Le mouvement dans lequel nous nous plongeons a son origine dans le dynamisme inépuisable du corps brisé.

     

                                         ***

     

    Le rejeté et la femme nous emmènent dans une vallée où l'atmosphère qui nous entoure déborde d'immensité.

     

                                         ***

     

    Comment nommer celui qui règne dans cette atmosphère ? L'époux, l'esprit, l'amour : il est tout, la source de notre rencontre.

     

                                         ***

     

    Il est le halo qui nous entoure, l'air que nous respirons depuis le commencement, l'ami que nous connaissons chaque fois que nous échangeons nos paroles.

     

                                         ***

     

    La femme, son épouse, forme en nous des reflets de son atmosphère. Nous devenons les proches du corps brisé.

     

                                         ***

     

    Comme nous participons de son atmosphère, nous disparaissons de là où l'on croit nous trouver et nous apparaissons là où le rejeté nous attend.

     

                                         ***

     

    Là où le rejeté nous veut, nous sommes élevés dans la lumière.

     

                                         ***

     

    Plongée dans le cœur du rejeté, notre relation devient image de la femme.

     

                                         ***

     

    Les brisures du corps : certitude du rejeté, présence de la femme, comble de notre relation.

     

                                         ***

     

    Les brisures portent la vie. Le rejeté s'appelle clarté.

     

                                         ***

     

    Nous chantons, dans le chœur des brisures, nous dansons, dans la valse de la clarté, nous célébrons les noces du rejeté.

     

     

     

                                         ***

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