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La fabuleuse et merveilleuse histoire d'un poète
La fabuleuse et merveilleuse histoire d’un poète
à la recherche d’un introuvable objet
(version brève)
Un poète vous savez
c’est comme un explorateur.
Il s’embarque sur une idée fixe.
Par exemple, il veut trouver une nouvelle route vers l’Asie
mais il découvre l’Amérique.
Le poète dont nous voulons vous
raconter l’histoire
c’est exactement ce qui lui est arrivé.
Il avait un objet en tête, qu’à tout prix il voulait trouver
et jamais il ne le trouvait.
Il faisait plein de calculs
Vous vous rendez compte :
un poète qui fait des calculs ?!!!
il faisait plein de calculs
pour repérer à l’avance
l’emplacement de l’objet.
Et quand il y parvenait
jamais l’objet ne se trouvait là.
Une nuit
car, la nuit, adviennent d’innombrables prodiges,
une nuit donc, il se mit en colère
contre sa petite voix.
Ouh là là ! Ici, il faut une note de bas de page.
Qu’est-ce que c’est que cette petite voix ?
Eh bien, je vais vous le dire :
le poète, souvent, dans sa conscience,
entend une petite voix qui essaye de lui souffler
ce qui pourrait être le mieux pour lui.
Mais il reste libre de l’écouter ou non !
Eh oui !
Donc, cette nuit-là, il fit des reproches
à sa petite voix :
« Quand même, hier,
dans ce merveilleux paysage
que nous avons parcouru,
l’objet que je cherche,
il devait bien s’y trouver, c’est sûr !
Pourquoi ne m’as-tu pas aidé à le voir ? »
Et la petite voix du tac au tac lui répond :
« Mais mon cher, je te l’ai montré,
tu l’as même touché, et tu ne l’as pas reconnu.
Désormais, regarde ! Il est tout près de toi,
va vers lui. »
Le poète demeura interloqué.
Je ne vous dis pas l’effet que cela produisit
chez lui.
À dire vrai, cet objet qu’il n’avait pas reconnu
il le côtoyait depuis des années.
Mais il ne voulait pas le voir, il le fuyait.
Il avait en tête une image très différente,
et les images, vous le savez, pour un poète
c’est très contraignant !
En fait, il se créait des images
d’une qualité morale et intellectuelle
très élevée
qui le mettait à l’abri de ce qu’il appelait
les faiblesses humaines.
En revanche, l’objet,
celui qu’il ne savait pas reconnaître et qu’il fuyait,
éveillait en lui
les précieuses richesses de son humanité.
Cela lui faisait peur.
Mais cette fois,
l’injonction avait été si nette
qu’il décida de ranger les images.
Comme la petite voix le lui avait dit,
il se rapprocha de l’objet,
celui qu’il n’avait pas reconnu,
mais sans trop savoir comment le prendre.
Eh oui ! ses plans antérieurs
s’étaient entièrement effondrés !
Il était redevenu
comme un enfant inexpérimenté et maladroit.
Tout en s’approchant
il se rendit compte que, dans sa pensée,
dans son cœur, dans son corps,
il y avait à son insu
une place depuis longtemps préparée
pour cet objet.
C’est à cette époque que
je fis la connaissance du poète.
En réalité,
et je m’en suis rendu compte tout de suite,
ce n’était pas tant l’objet
qu’il n’avait pas reconnu,
c’était lui-même.
Il ne s’était pas lui-même reconnu.
Mais de ce jour je ne vous dis pas
quelle joie l’a envahi !
Il vit que l’objet
sous ses réelles apparences
illuminait
son corps, son cœur, sa pensée.
Il commença à regarder plus attentivement
autour de lui.
Il découvrit que beaucoup de gens cherchaient eux aussi quelque chose
et qu’ils espéraient le trouver, ô surprise,
chez lui, le poète !
Il comprit bientôt que ce quelque chose
se trouvait seulement chez lui.
S’il ne le donnait pas, personne ne le trouverait.
L’objet qu’il n’avait pas reconnu
peu à peu prenait le visage
du poète et de son humanité.
Lorsqu’il l’avait fui,
il avait fui sa propre humanité.
Pendant toute cette période,
il n’avait eu aucun cadeau à offrir.
Il reçut l’objet chez lui
pleinement.
De ce jour il put donner
aux uns et aux autres
les trésors de son humanité.
Il se produisit alors un événement considérable :
tous, y compris le poète,
s’embarquèrent sur un même bateau.
Ils devinrent compagnons de voyage.
Pendant toute la traversée
ils échangèrent leurs trésors.
Une nuit…
Vous vous rappelez ?
C’est la nuit qu’adviennent les prodiges !
Une nuit, donc, leur échange se transforma
en un corps d’une intense luminosité.
Désormais
l’activité au port est ininterrompue,
personne ne s’embarque plus
sur une idée fixe,
tous s’embarquent sur cette lumière.
Dans cette lumière,
l’objet que chacun et tous recherchent,
apparaît à la fois
très proche et très éloigné.
La lumière
épouse toutes leurs humanités
les comble
et les pousse au large.
Un poète, vous savez,
c’est comme un peuple
un peuple de migrants
dont toutes les cultures offertes
sont l’étoile qui les guide.
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Commentaires
2Bruno LebecqDimanche 6 Avril 2014 à 16:30bonjour Jean Paul, ce poème là me plaît bien et je trouve que c'est une fort bonne idée d'utiliser ce mode de diffusion. Connais tu des réseaux poétiques sur le net ? Je publie toujours sur plume-direct et sous le nom d'Odil Allebaï. Je ne travaille pas suffisamment à mon goût parce que le temps me manque mais je publie en général au moins un texte par an, roman, nouvelle ou poésie.
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Merci Jean-Paul, je n'ai pas encore tout lu, mais ce que j'ai lu m'a beaucoup touché. Tu parles au coeur. Merci.