• Notes qui ont su mourir

    Notes qui ont su mourir

     

    Les notes, au comble de leur développement,

    se perdent dans la partition qui les unit.

    Mourant l’une dans l’autre,

    elles donnent naissance à l’accord

    dont elles vivent.

    Cette portée d’harmonie n’est pas

    de celles qui demeurent.

    Elle est une piste d’envol.

    Voici donc quelques notes,

    de celles qui ont su mourir,

    qui ont déjà pris de la hauteur,

    loin de leurs lignes.

    Chacune, seule, vole à l’horizon,

    avec en vue le pays

    qu’il lui revient de conquérir.

    Lorsqu’elle y parvient,

    elle y verse une symphonie.

    Chacune de ces notes, à ce point,

    est à elle seule un accord

    qui sans cesse se renouvelle.

     

    Note de poussières éparses,

    qui flottent dans un air vif

    comme de légers flocons de neige

    malgré leur grisaille

    et leur fatigue.

    Minutes qui se laissent dérober,

    paroles qui se laissent emprunter,

    une vie comme une page blanche

    peu à peu recouvre tous les désirs.

    Le temps a changé de place,

    l’avenir ne le comble plus,

    un présent venu d’ailleurs

    accomplit tous les passés.

    La personne la plus proche

    détourne en elle

    l’univers

    comme une étendue de neige

    reflète le soleil.

      

    Note d’enfances, de joies,

    et de pleurs accueillis,

    tourbillon de fleurs printanières

    dont la légèreté soutient

    les poids inévitables de chaque jour.

    Coïncidences de ces harmonies

    ou de leurs absences.

    Vieillesse plus libre que jeunesse,

    jeunesse dont la mélodie

    se donne sans cesse

    pour embellir le concert.

    La variété des airs fredonnés

    évoque les fleurs coupées

    du chanteur.

    Ses larmes et ses rires

    offrent à la nature

    le retour méconnaissable

    et bouleversant

    de sa splendeur.

       

    Note de silence dont l’écho

    résonne aux quatre coins du monde,

    paroles que l’on coupe à la racine

    pour qu’elles soient données

    bien plus loin que leur portée.

    Mots désirés et préparés

    réduits à néant

    afin que naisse de leur mort

    la ballade somptueuse de l’univers.

    L’orchestre occupe tous les continents,

    le concerto est joué par tous les peuples,

    chacun délivrant son ensemble d’instruments.

    Richesse inépuisable,

    qui appartient au seul silence.

    Possessions innombrables

    que l’on ne garde jamais

    et dont on jouit sans cesse,

    récital de ceux qui se taisent

    et répandent le bonheur.

        

    Note de détente,

    soulagement qui succède au risque

    de mort.

    Le corps éprouvé,

    ponctuellement ou amplement,

    apporte aussi l’isolement.

    Prendre la destruction de tous côtés.

    Au bout, la relâche, autre genre

    de démolition,

    celle du requiem qu’on était prêt à composer,

    de l’opéra grandiose dont on rêvait,

    du largo qu’on pensait donner à la vie.

    Inattendus, des allégros s’exécutent

    et infusent dans le corps un air de liberté.

    L’on court sur les sentiers de la forêt,

    de retour chez soi l’on invente

    l’odeur alléchante, la disposition attrayante

    de mets délicieux.

    Dans ce temps retrouvé

    commence le ballet.

       

    Note de transparence,

    perle de beauté,

    présence qui resplendit

    sur tous les rivages,

    étincelles de mer

    qui embrasent la terre,

    promesse tangible

    enchâssée dans le présent,

    alliance

    qui renouvelle le ciel,

    fantaisie qui prend place,

    liberté qui se joue de l’espace,

    myriades de voix cristallines,

    choix sans appel

    d’un envol limpide.

       

    Note de clarté,

    issue d’une dissonance.

    L’accord qui s’ensuit

    baigne l’espace de sa lumière.

    Parfois, une voix déformée

    tente d’éveiller

    des résonances séduisantes.

    Son éclat métallique n’est qu’imitation.

    L’ayant entendu et refusé,

    on se relève en plein jour,

    dans la neige et le soleil

    de l’accord.

    Une parole claire,

    d’ailleurs et d’ici,

    donne toutes ses nuances

    aux reflets de la mer.

    Nostalgie d’une discordance:

    humilité et vérité de l’enfance.

       

    Note de l’univers,

    blessure cachée

    qui a pour nom espérance,

    rejet qui rapproche.

    Que ce soit un moyen

    ou une personne,

    elle est à la croisée des ouvertures.

    Ce signe élève et attire.

    Sujet qui s’offre

    dans le corps d’où il procède

    et dont il devient

    le créateur.

    Tout instrument dépend de lui

    ainsi que le choix de la mélodie.

    Il est le passage,

    l’objectif aussi.

    Multiplié,

    un corps unique est illuminé.

                                                           

    Le chant s’élève

    pour enfanter la terre.

    Il ira jusqu’au bout

    des notes et des accords

    pour donner son air

    et ses paroles

    à chaque habitant

    qui le désire.

    Ne pouvant les discerner,

    il verra cette volonté

    en tous, proches et éloignés.

    Il se fera, pour les uns

    et pour les autres, paternité

    et maternité.

    Passion et douceur,

    force et patience,

    seront les variations

    fécondes de ce thème.

    Au fond, on entend une voix

    qui veille

    et se prolonge.

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  • Commentaires

    1
    marta
    Samedi 12 Avril 2014 à 08:08

    Merci Jean-Paul non riesco a cogliere tutto attraverso la lingua ma mi raggiunge la forza poetica delle immagini

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