• Sur la pointe des pieds (3e partie)

    Toutes les portes

    de notre peuple

    se sont ouvertes :

    je suis chez toi,

    humanité.

     

    *

     

    Maintenant

    je veux

    me plonger dans la lumière

    pour que toi,

    tu sois

    dans la lumière.

     

    *

     

    Maintenant

    que je suis chez toi,

    tu me dis,

    tu me cries

    « J’ai besoin de toi ! »

     

    *

     

    Et toutes tes espérances

    et tous tes caprices

    se dressent

    se rassemblent

    dès le premier instant.

     

    *

     

    Il faut

    même sans force

    creuser la terre

    jusqu’au milieu de nous

    et en vérité

    avec tout notre cœur

    fonder

    la longue demeure

    de tes enfants.

     

    *


     

    À peine l’aube

    je tombe,

    pour que toi,

    tu te lèves.

     

    *

     

    Posséder ta maison,

    comment le pourrais-je !

    Et pourtant j’essaie,

    je m’y affale,

    et tu vas mal, bien sûr !

    Tu me supplies de me lever.

    Je me redresse,

    j’hésite, je retombe.

    Je t’en prie,

    humanité,

    exige-moi !

     

    *

     

    Je voulais

    venir chez toi.

    Maintenant

    que j’y suis,

    je ne sais pas

    être.

     

    *

     

    Ta maison aujourd’hui

    n’est pas à habiter,

    mais à

    élever.

     

    *

     

    Renaissons !

    Car tu veux

    la lumière !

     

    *


     

    J’ai ouvert,

    par erreur,

    une porte ;

    à l’intérieur

    tu m’attendais.

    Dans notre intimité

    tu ne m’as pas dit

    ton malaise,

    tu m’as regardé.

    Dans ton silence

    tu m’as suggéré

    la parole.

    Dans ton regard

    nous avons

    resplendi.

     

    *

     

    Nous sommes.

    L’œuvre jaillit.

     

    *

     

    Maintenant que nous sommes,

    ne pas oublier :

    veillons.

     

    *

     

    Avec ma venue,

    c’est ma nuit

    qui est entrée

    chez toi,

    le sais-tu,

    humanité ?

     

    *

     

    Aujourd’hui,

    la nuit

    parmi nous

    s’est établie.

     

    *

     

    Elle brille de ton éclat,

    humanité,

    serait-elle

    ta sœur ?

     

    *

     

    Je suis

    chez toi,

    veux-tu être

    chez moi,

    dans ma nuit ?

     

    *

     

    Je suis venu,

    je n’ai rien.

    Toi,

    tu me donnes

    tout !

     

    *

     

    Je me mets à l’écoute

    de notre

    parole.

     

    *

     

    D’une seule voix

    nous suivons

    la symphonie.

     

    *

     

    Que tes enfants

    resplendissent,

    ou s’obscurcissent,

    le concerto

    nous maintient à leurs côtés.

     

    *

     

    Oui,

    parmi eux

    il s’agit de creuser.

     

    *

     

    Lorsqu’il pleut,

    notre parole

    par respect

    se tait.

     

    *

     

    La pointe

    de notre silence

    approfondit

    le puits.

     

    *

     

    Notre descente

    dans l’obscurité

    dérobe à notre vue

    tes enfants.

     

    *

     

    Notre séjour

    dans le silence

    fait signe

    à tes enfants.

     

    *

     

    Ce qu’ils l’aiment,

    notre noir !

     

    *

     

    Si de tes enfants

    nous nous éloignons,

    s’élève

    peu à peu

    leur maison.

     

    *

     

    Maintenant que je suis chez toi,

    souvent je reste

    en silence.

    Aujourd’hui c’est à toi,

    humanité,

    de parler.

     

    *


     

    Et tu parles !

    De nuit,

    et de jour,

    ton existence

    dit

    la lumière.

     

    *

     

    Et tu parles !

    lorsque nous regardons

    des brèches

    dans notre maison,

    toi, forte et douce !

     

    *

     

    Et tu parles !

    lorsque se faufile un doute,

    que de ta fidélité

    tu balayes,

    toi, lumineuse !

     

    *

     

    Blessure en ton corps

    est ta parole,

    toute lumière.

    Partager via Gmail Yahoo! Google Bookmarks

  • Commentaires

    1
    Mercredi 19 Novembre 2014 à 21:15

    Cher Jean-Paul,

    Finalement je m’y suis mis. J’ai lu au moins les trois parties de « Sur la pointe des pieds ». Ça m’a bien plu. Cela fait des années que je vis dans un monde assez loin de la poésie et de la littérature françaises et je n’oserais pas trop prétendre en faire un vrai commentaire littéraire. Je te dis simplement ce que j’ai aimé dans ton poème.

    D’abord le rythme, les sonorités, la simplicité et la profondeur des mots en même temps. Cela te prend, cela coule bien, sans hâte, on a le temps d’imaginer encore plus loin…

    Il y a beaucoup de mouvement dans le texte (de lieu et de temps), beaucoup de lumière aussi et de sens de liberté.

    Tout est à la fois rempli de mystère (qui est exactement cette humanité, ses enfants, et moi-même ?) et rempli de surprises qui viennent éclairer ce mystère (« aridité soudaine, étonnante », « tu es la surprise », « ton étonnante grandeur », « étonnante joie », « forme inachevée prête à nous surprendre »…)

    On est touché par celui qui parle et qui dit « je » tout au long du poème, qui pourrait être l’auteur, mais aussi chacun de nous. Il est attachant par sa timidité, sa gaucherie, ses hésitations et en même temps cette curiosité, ce courage, cette ouverture à l’infini…

    Il y a un bel équilibre entre le silence et la parole (« dans ton silence tu m’as suggéré la parole ») Ça me rappelle Claudel : « Mon poème n’est point fait de ces lettres que je plante comme des clous, mais du blanc qui reste sur le papier. »)

    J’ai beaucoup aimé aussi l’art des contrastes ou de l’unité entre les contraires. « pays du déluge ensoleillé », « ton amour brille par ce néant », « transformés en un firmament noir étincelant », « infinie parce que créée », « passée par le néant en vue de ta clarté », « avec les absences brille une présence », « par ce déchirement se confirme peuple », « humilité de l’ancien qui se met à l’école de l’enfant », (la nuit) « brille de ton éclat », « notre séjour dans le silence fait signe à tes enfants »…

    Et pour finir ces correspondances originales : « tu me revêts de ta finitude », « qui donne au temps son imagination », « me recevoir dans ta patience », « l’attente fonde notre œuvre », « notre peuple : histoire tangible de ma soif », « la pointe de notre silence approfondit le puits », « blessure en ton corps est ta parole »…

    Merci donc pour tout cela.

    Roland

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :