• Sur le tableau, ne laisser des larmes paraître que le reflet.

     

    Mais qu’est-ce que le tableau, sinon pur reflet ?

     

    En sorte que le modèle ici s’établisse.

     

    Un instant le modèle s’obscurcit, s’entrouvre le reflet.

     

    Au fur et à mesure que, contre son gré, il s’ouvre, l’inonde d’un soleil couchant la splendeur.

     

    Les nuances infinies, chaleureuses et précises de la splendeur.

     

    Lorsqu’à elle l’artiste se soumet, quel festival ! Le monde désormais est regardé par la beauté.

     

    La splendeur : ce départ au loin qui de tout l’éclat de ses rayons ici demeure.

     

    Splendeur : résistance de la beauté, servante de l’humanité.

     

    Oui, la beauté comme une résistante, pour que chaque instant du monde reprenne sa place dans la splendeur.

     

    Une résistante, la beauté, car le monde est sa patrie. Elle ne cédera jamais à l’envahisseur : déjà devant elle il se découvre.

     

    Splendeur, en nuance de chef-d’œuvre : la beauté, dans ce moment qu’elle saisit, s’établit.

     

    La beauté sur le monde a cet avantage, qu’elle le revêt de son manteau.

     

    La splendeur : la mort, heureuse que l’œuvre se compose.

     

    Dans la mort secrètement la splendeur prospère.

     

    Pour la beauté : repérer la mort, afin que le monde ouvre ses portes à la splendeur.

     

    Éclatement de couleurs, dont la finesse et la puissance inondent la moindre nuance du tableau.

     

    Le silence des couleurs reflète du modèle la splendeur.

     

    Splendeur, donc : le modèle, qui se substitue à l’œuvre.

     

    Le modèle, aujourd’hui tableau, ouvre ses couleurs à une terre pauvre où foisonnent les artistes.

     

    Modèle, œuvre, terre pauvre, d’un coup de pinceau tout se hisse dans la splendeur.

     

    Terre pauvre, et qui le restera, pour sans limite enrichir l’œuvre, telle une île fertile au milieu de l’océan.

     

    Terre délaissée, d’où montent les flots de l’océan.

     

    Terre dévastée, où l’œuvre s’abandonne.

     

    Œuvre qui se construit ou se détruit, dans son abandon elle est toute clarté.

     

    Œuvre qui scintille, suggère qu’elle va s’éteindre.

     

    Œuvre qui veille, parure d’un instant.

     

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  • L’art, telle une petite fille choisie qui habite parmi les personnages du poème, se laisse porter et offrir à la beauté.

     

    Ici, ne reste que la beauté, et son rayonnement.

     

    Couleurs pastel, qui reçoivent en leur fond une source fine d’où s’écoule un filet d’eau transparente qui disparaît dans les prés émeraude.

     

    Ciel bleu sombre aux reflets violets qui aspire une terre ocre se levant au milieu et se laissant partager en champs à l’aspect de rayons du soleil.

     

    Sur fond noir lisse, gestes blancs et lents qui des hommes et des femmes au premier plan prennent peu à peu la terre, le cœur, le ciel.

     

     Silhouettes, qui se tiennent debout, seules, sur la rive, et dont la multitude dans l’eau claire se reflète.

     

    S’établit une sorte de plaque grise entre elles et la rivière. Loin de la fuir elles s’en approchent. Au moment de la toucher, c’est l’eau qui s’écoule par leurs mains.

     

    Douce, la rivière, et forte, enveloppe la terre.

     

    Irrépressible, l’océan, et en finesse, soulève la terre.

     

    Et de l’océan, telle une île dans sa splendeur, se lève le poème soleil dont les rayons se répandent et changent la terre en lumière.

     

    L’océan, comme s’il était dans le sein du ciel, cède l’espace à son île, dont les côtes, devenues source de lumière, veillent amoureusement sur lui.

     

     Littoral échancré n’aura de cesse qu’il n’ait sombré au fond des flots.

     

    Voici un vent qui lève les vagues et graines de beauté sème sur l’île.

     

    Comme toute île de légende lorsqu’elle devient immense, celle-ci est submergée par la délicatesse de l’océan.

     

    Île qui sombre, force de la terre.

     

    Perdue corps et biens, dans la beauté… qui comble les naufrages.

     

    L’île ayant coulé, la beauté et le vent peuvent recouvrir le monde des embruns de l’océan.

     

    Le vent : suite au naufrage, semble-t-il, de la beauté elle-même, quel souffle !

     

    Le vent : comme il étreint la terre !

     

    Tombe le vent, la terre souffle sur le poème.

     

    Terre qui de l’artiste exige le néant et la beauté.

     

    Néant, qui du sourire de la beauté ne sait se passer.

     

    Sourire, qui du néant embellit la patience.

     

    Au fond, le néant absolu, n’est-ce pas le sourire ?

     

    Oser sur tout le poème peindre le sourire !

     

    …même sous la forme de larmes.

     

    Transparence des larmes.

     

    … comme des semences que dans les sillons de l’œuvre l’artiste en plein vent jette.

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  • Absent de lui-même, l’artiste dans l’œuvre se repose.

     

    Mais s’étant livré, il est à son tour déchiqueté. Dans ce geste, reconnaîtra-t-il son talent ?

     

    Tout de suite, malgré lui, il est saisi par une lumière qui de plus en plus se diffuse et l’entraîne.

     

    Parfois elle s’arrête et le laisse la raviver.

     

    L’œuvre telle une mère embrasse la lumière.

     

    L’œuvre comme un enfant se jette dans la lumière.

     

    Leur union a un visage, celui d’une présence qui réussit l’instant.

     

    Visage d’effondré, d’un pays la veille de la paix.

     

    Œuvre qui n’appartient à personne et par elle-même s’élève.

     

    Terre infinie, ensoleillée, œuvre multiple qui révèle au grand jour sa mosaïque.

     

    Pièce précieuse, qui apporte sa nuance, pièce encore plus fine qui veille dans le fond.

     

    Le poème sombrera-t-il au fond ? Pour que l’œuvre se compose.

     

    Disparu, les paroles lui sourient.

     

    Elles volent, avec lui en elles, parmi les hommes.

     

    Elles se taisent, et lui en elles, ou reprennent leur sens.

     

    Sûres d’elles-mêmes, elles distinguent, éloignent le poème, et lorsque celui-ci n’est plus elles lui donnent la terre.

     

    Quand se prolonge l’éloignement, c’est la terre entière qui se livre au poème.

     

    L’œuvre commence à donner au monde la clarté de ses traits.

     

    Nourrie d’obscurité, elle se lève.

     

    Passante dans le monde, elle reçoit la clarté, qui a voulu y naître et prospérer.

     

    Afin de se reposer, la clarté a besoin d’une œuvre dans son anéantissement parfaitement réussie.

     

    Qui donc ce soir redresse le poème et dépose en lui les strophes de l’univers ?

     

    Œuvre laissée de côté, puis exaltée, œuvre magnifiée, puis mise à part. Le secret de l’artiste demeure.

     

    Par un temps de clarté de plus en plus simple, l’artiste s’émerveille et dans le secret du poème se recueille.

     

    Au sein de la création qui court vers son apogée, le poème par amour se soumet à son secret.

     

    Comme le secret se fait proche lorsque la beauté magnifiquement invitée se trouve soudain condamnée !

     

    Quelle exigence, celle du secret, qui pour rien au monde ne voudrait perdre l’intimité de l’artiste avec la beauté !

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  • Lorsque la neige est noire, lorsqu’un automne anéanti est enseveli dans un hiver forcé, lorsque le désespoir tourne à la destruction, lorsque la nuit ne sait plus se dissiper, la blessure ne sait plus se soigner, l’effroi ne sait plus se calmer,

    lorsque l’horreur devient spectacle, la haine massacre, la souffrance vengeance,

    lorsque le monde a sombré,

    alors que tout est fini

    j’entrevois

    une lueur

    si fine.

    Le souffle coupé je perçois des paroles qui reviennent de loin, des images que j’avais oubliées, des sons que j’avais négligés.

    Ma plaie semble s’ouvrir sur un jour imprévu, inconnu, inattendu.

    Lorsqu’à l’aube la neige retrouve sa blancheur, l’hiver étonnamment se met à fleurir.

    J’ouvre les yeux, comme si jamais auparavant je n’avais su le faire. Je regarde.

    Je tends l’oreille, avec peine, par manque d’habitude certainement. J’entends.

    Je reconnais le sens des mots, qui me parviennent comme s’ils étaient déguisés. J’écoute.

    Je devine le nouveau paysage, encore enveloppés lui et moi dans une brume

    qui me protège, afin que trop d’éclat ne m’aveugle, ne m’assourdisse, ne m’abasourdisse.

    Je crois rêver, mais c’est avec délicatesse si l’on peut dire que la réalité se présente.

    J’apprends à ne pas fixer le soleil.

    J’apprends à ne pas m’étendre dans le noir.

    J’apprends à côtoyer la blancheur de la neige.

    Car, je ne le savais pas, c’est le rôle de l’hiver :

    nourrir le printemps,

    et le libérer !

     

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  • Commencement du poème : avorté. L’homme a dressé une barrière, rendu la beauté inaccessible. Mais, dans ce noir élaboré, le malaise accepte la parole. Comme si elle contournait l’obstacle, la méprisée s’approche.

     

     

    On croirait l’humanité contraire à sa venue. La terre est prise de convulsions. En réalité, la beauté se grave dans la chair du monde.

     

     

    Voici béante la plaie de l’univers. Ici agonisent les hommes. La beauté, qu’ils ont rejetée, vient les retrouver.

     

     

    Ou de leur mort se lève-t-elle ? Son visage est empreint de douleur jusque dans les traits de son bonheur.

     

     

    Sur ce vide laissé la beauté se profile.

     

     

    La voici, par l’anéantissement de l’humanité, peu à peu simplifiée.

     

     

    … et plus loin que l’horreur, passée la haine, le jeu commence, des enfants et de leur beauté.

     

     

    Légèreté, qui prend les poids du monde, gaieté, qui relève les tristesses.

     

     

    Légère la beauté console.

     

     

    Belle la gaieté pour elle implore les hommes.

     

     

    Tandis qu’à pleines mains ils prennent leurs fardeaux, souffle en eux l’inspiration.

     

     

    Étreint le visage des tristesses, libre se pose la création.

     

     

    Passé insuffisant, présent décevant dans une relation s’épanouissent.

     

     

    D’un effondrement naissent des enfants comme des peintres.

     

     

    Ne sont-ils pas de leurs tableaux les nuances sensibles ?

     

     

    Celles qui, de leur pâleur oubliée, reflètent une lueur ?

     

     

    Fluides les couleurs, distinctes… et inséparables.

     

     

    Insaisissables, elles donnent sur une œuvre longtemps délaissée.

     

     

    Étincelantes, elles s’éteignent dans une lumière qui inonde leur paysage.

     

     

    Disparaissant elles donnent aux éboulements la splendeur.

     

     

    Tandis qu’elles fondent, leurs décombres aussi se changent en perles.

     

     

    Retour à l’œuvre, l’authentique, celle de la mort qui vit.

     

     

    Elle est absence et, parce que telle, volonté de présence.

     

     

    Elle saisit l’artiste, et l’efface.

     

     

    Veut mettre à sa place un autre, n’importe quel autre.

     

     

    En vue de cet échange, elle les comble de lumière.

     

     

    … et par l’autre s’envole la création.

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