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Dans la vallée, les effets produits sur les hauteurs persistent. Le soleil est au zénith. Des relations qui sur la terre sont angoissantes se simplifient, deviennent radieuses. Hommes et femmes jouent comme des enfants, enfin libres d’eux-mêmes.
C’est un genre de cadeau dont nous ne pouvons remercier qu’en le distillant pour ainsi dire, en offrant tout notre être dans un geste, un sourire, un menu service. Ce qui autrefois nous était étranger fait désormais partie intégrante de notre corps. Une sorte d’âme faite de finesse et de force rayonne en lui et se donne au dehors, malgré les désertions.
Cette merveille que tous désirent est rendue possible, oserons-nous dire, par la ronde des étoiles, qui ne se rejoignent jamais et pourtant ne font qu’un. Dans la nuit qui resplendit, notre silence contraint diffuse sa liberté.
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Tourné vers cette demeure où réside ma vie, je me laisse peu à peu pénétrer et envelopper par sa présence. Me tenant seul devant elle, je me retrouve en son sein. Elle est plus ample que l’univers, plus fine que le plus pur élan du cœur.
À peine m’a-t-elle saisi que déjà elle me rend les créatures mes sœurs. Chacune trouve sa place. Elles sont nécessaires. Celles qui me ravissent s’apaisent et deviennent vraies. Celles qui me libèrent m’accompagnent dans la résidence de ma vie.
Passé et avenir sont contenus dans cet instant. Le jour infatigable est le chant de la nuit. Le sommeil est la confiance de nos faiblesses. Nous avons abandonné nos excès et dans notre misère préférons notre alliance.
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Je laisserai la lumière s’éloigner.
De retour dans le domaine des paroles, je me heurte à ceux que je veux posséder et à ceux que je veux refuser. Je confonds la force de la lumière et ma soi-disant puissance. Mon corps s’exalte et se diminue tour à tour dans un même mouvement de déformation. Un plaisir grandiose, sublime, héroïque s’offre à moi. Il revêtira les apparences de la lumière pour accroître mon désir.
Je me baisserai, pour le laisser passer. Je me retirerai, pour retrouver la présence du non-désir. Je regarderai de loin l’environnement et je prendrai ses mesures. Comme une mère peut faire confiance à l’enfant dont elle ignore désormais les faits et gestes, je me tiendrai au milieu des paroles, qu’elles soient séductrices, indifférentes ou agressives. Je les accueille dans la nuit. Les rumeurs de la ville se taisent. Nous sommes à nouveau silence qui éclaire.
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Lorsque nous sommes devenus pour ainsi dire silence, nous avons entendu l’écho sans cesse renouvelé de la lumière. Les images et les sons se sont mêlés et modifiés les uns les autres. Nos sens ont acquis des dimensions inouïes. Nous sommes restés sur place, à contempler un paysage illimité.
Volontairement inexistants afin que cette vue puisse s’offrir continuellement, nous nous sommes retrouvés au centre de la scène, comme si ce cadeau inestimable était seulement pour nous. Dans un mouvement de l’invisible, un entretien à trois se déroulait. Tous les vents soufflaient dans cette direction. Le paysage nous accueillait dans son infinité. Le silence, dont nous étions des parcelles, dans son immensité enveloppait la lumière.
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Il y a des nuances indispensables
pour que nous soyons libres.
Une couleur trop vive nous retient,
nous occupe, nous déroute.
Mélangée à des teintes plus sobres,
elle ne nous empêche plus
d’être le peintre.
Ces tons pastel ne nous appartiennent pas
mais la toile sur laquelle nous les fixons
nous renvoie l’image d’une autre
personne, comme si nous lui avions
donné la vie
par le détachement
qui nous unit.
Dans ce paysage clair, une lumière douce
ébauche un chef-d’œuvre.
***
Cédons la place à nous-mêmes,
ne restons pas dans le plaisir
qui vient de s’accomplir.
Notre cœur en exige un plus grand.
Cet instant appelle le chant
d’une humanité en fête
et nous l’élevons à pleine voix.
Il réclame aussi la minute suivante,
celle de la beauté et de sa mort,
du retour qui surpasse toute beauté.
Nous irons toujours plus en avant
vers ce point de repère constant,
fidèle, c’est-à-dire nouveau.
La nature comblée trouve son apogée
dans la chute qui s’ensuit,
remercie pour ce qui est,
exulte pour ce qui laisse et donne.
***
Toute la nuit distribue
les cadeaux du jour.
Ce rendez-vous
dans l’anéantissement
libère
et rend maître de l’univers.
La pauvreté retrouvée
nous rapproche.
Nos sommeils à notre insu
nous plonge dans une eau
où celui que nous engendrons
nous reçoit.
***
La mer est forte et calme,
les voiles battent au vent,
pleines et libres.
Nous sommes au large,
dans l’avancée de la nature,
plus loin que nos compétences,
au delà de nos volontés,
là où ceux qui se sont perdus
voient du même regard,
se lèvent du même élan,
s’abaissent de la même douceur.
Dans cet accord venu d’ailleurs,
un souffle plus pur que l’air du soir
bouscule et apaise
nos présences dépossédées.
***
Lorsque les yeux sont comblés par la beauté et la sensibilité se développe sous tous ses aspects, lorsque les exigences du cœur, du corps et de l’esprit obtiennent entière satisfaction, nous partons.
Nous laissons cet environnement étonnant et préférons, sans même y réfléchir, retrouver la pauvreté, liberté inégalée.
Spontanément, cette abondance d’humanité, en un instant, s’épanouit et s’évanouit, et nous n’en faisons cas.
Nous sommes attendus par un autre voyage, qui nous dépouille. Le vide ainsi engendré ne peut que nous mettre en présence l’un de l’autre. Il surpasse la beauté.
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