•  

    Le soleil!

    Après cet entretien,

    il se mit à resplendir,

    répandant sur la terre entière

    un feu

    désaltérant.

    Et l’eau de contradiction

    conduisit

    dans l’instant

    le voyageur parmi ses compagnons.

    Leurs regards se tournaient

    au près comme au loin.

    Leurs pensées,

    amantes de l’ombre,

    ouvraient au soleil,

    par leurs exigences et leurs renoncements,

    des espaces inouïs.

    On eût dit une semence

    qui portait des peuples... 

     

    La compagnie, pourtant ensoleillée,

    fut effleurée

    par l’inutilité.

    Un instant, disparut le goût de la parole,

    qui, elle, se tint debout,

    et nous éleva.

    Nous voici,

    replongés dans le bassin du rendez-vous.

    Nous y apportons

    les égarements du jour

    et notre fidélité.

    Dans cet air que nous respirons,

    parfaitement distincts, nous sommes,

    en vertu de ce recueillement,

    unis.

    Moment que nous protégeons,

    et qui s’ouvre

    aux mille compagnons.

     

    Nous nous promenons

    dans un instant immense,

    où nous avons le temps

    de polir notre œuvre.

    Dans cette liberté

    à laquelle nous appartenons,

    comme dans un calice

    viennent

    s’absorber et se déployer

    les amants de la beauté.

    Notre inexistence émerveillée

    les reçoit.

    Ils versent en nous,

    comme un nectar,

    leur humanité.

     

    Poursuivre notre chemin,

    dans cet espace qui s’éloigne du monde,

    et qui l’attire à soi.

    Laisser tomber la volonté,

    dans cette atmosphère qui l’ignore,

    et qui l’exauce.

    Abandonner le sentiment

    à l’envol,

    et voir la terre telle qu’elle est.

    Quelle est cette liberté

    qui nous donne les êtres

    dans leurs souffrances et leurs rêves,

    dans leurs pouvoirs blessés,

    dans leur assurance sur la mort ?

    La vie nous inonde,

    hommes et femmes se frayent un chemin

    dans notre espace.

     

    Telle une palmeraie,

    et la source en son cœur,

    la sérénité

    a reçu la journée

    d’un bout à l’autre.

    Douceur,

    offerte à la durée.

    Rémission,

    déposée dans la besogne.

    Facilité,

    surgie de la détresse.

    Une surprise venue de loin

    a répandu son parfum

    sur toutes les terres

    de notre espérance.

     

    Voici

    un espace

    qui oublie

    et recueille

    tous les pays parcourus.

    Illimité,

    captif d’un envol,

    continuellement plus loin.

    Le voyageur est sans repère

    mais chez lui

    dans cette distance en mouvement

    qui l’expulse de tout

    et lui donne,

    reconnaissable,

    la moindre pierre de chaque trajet.

     

    Laissant se diffuser

    l’espace

    au sein duquel nous vivons,

    nous contemplons

    une effusion de lumière.

    Les hommes

    reconnaissent

    leur exigence

    et celle qui les engendre.

    Ils dominent,

    tels des enfants tranquilles

    dans les bras de leur père.

    Le monde explose,

    en une foule

    dont chacun se connaît

    dans le cœur

    de l’autre.

     

    Noter, en cours de route,

    ce tronçon nouveau sur lequel nous entrons,

    au sol rugueux,

    et de contemplation facile,

    attrayante, exigeante,

    fascinante.

    Quelles sont ces pierres,

    pareilles aux recoins de nos cœurs ?

    D’un seul regard

    les polir,

    et elles viennent occuper leur place

    dans notre paysage.

    Quelqu’un est là,

    en face ou au dedans,

    qui donne la douceur

    à nos aspérités.

     

    Explosion de beauté,

    et de grandeur,

    commence,

    en miettes pures,

    le couronnement de l’humanité.

    De tous côtés rejaillit

    la lumière

    qui vient enfoncer les portes encore fermées

    de nos passés.

    Tout est possible,

    si notre regard reste cloué

    à ce vide inachevé

    d’où l’univers se lève.

    Sur la ligne de l’horizon, trouble et brisée,

    homme et femme

    son sommet

    se dessine.

     

    La route se peuple de milliers de lueurs.

    Chaque visage

    est l’objet de ma quête.

    Il me rend,

    en clair,

    la splendeur de son père.

    Mes yeux sont plongés

    dans l’entrevue de ce moment,

    sans attente, mais étonnés,

    bouleversés

    par ce portrait vivant de nos origines.

    Et lorsqu’un regard se détourne,

    il m’appelle, absolument,

    et dans mon donner

    manifeste une intimité

    qui distille

    délicatesse.

     

    L’heure du refus.

    La beauté élevée de terre.

    Aborder le néant,

    et se laisser emporter par lui.

    Lorsque le cœur de notre cœur est touché,

    comment refuser le refus ?

    Ce couteau qui nous pénètre

    donne le sens de l’existence.

    L’on aperçoit

    l’éternité.

    Nous ne voudrions pour rien au monde

    quitter ce compagnon.

    La tristesse, en s’étendant,

    cède la place à la création.

    L’auteur du refus

    nous apporte, avec finesse,

    le cadeau que nous attendions.

    Il y a de la beauté dans l’air.

     

    Soudain, en face, jaillit la lumière.

    Nous l’avions aimée,

    présentée,

    donnée.

    Perdue.

    Nous ne savions plus si elle était encore.

    Nous n’en avions même plus le souci.

    En notre esprit,

    peut-être par ce secret

    qui veut sans cesse être manifeste

    et ainsi consolide la patience,

    ne régnait plus que la confiance,

    et l’abandon, tranquille.

    Dans cette place libre,

    soudain de sa source naturelle

    vient se poser la lumière,

    identique, et plus franche que jamais.

    Telle la création,

    lâchée par le créateur.

     

    Et la lumière

    nous bouscule,

    nous appelle,

    loin des colères et des désespoirs,

    par delà les rejets et les révoltes,

    dans cet espace élevé

    qu’elle occupe parmi nous.

    Et lorsque s’infiltre

    la possession des êtres, qui nous divise,

    elle recommence, pour nous sauver,

    à briller de plus belle

    dans la liberté qui nous unit.

    Et elle me demande,

    humble,

    de t’adresser la parole.

    Au cours de cet entretien

    en son sein,

    nous la contemplons

    et retrouvons

    la beauté vulnérable de chaque visage.

     

    Voici un passage, aux approches d’un col,

    où le climat devient doux,

    et l’ascension aisée.

    Prendrons-nous ces instants comme un cadeau ?

    Oui, car le soleil les baigne

    et ils nous poussent en avant.

    Mais nous ne saurions les conserver.

    Ils ne sont pas de notre temps,

    qui pressent l’avenir.

    Les minutes de ta parole

    me détachent

    pour l’éternité.

    Nous voici,

    au sommet,

    contemplant la vaste plaine,

    au cœur de ce pays

    dont les peuples se rassemblent

    sous un ciel infini

    qui s’abaisse, et nous élève.

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  • Sur la route,

    par les déviations et les diversions,

    un âpre combat doit être livré.

    Notre arme se forge

    dans le spectacle de notre destination,

    dans la mémoire de notre origine,

    dans l’actualité étonnante

    d’une présence.

    Douceur tranchante.

    Faiblesse efficace.

    Liberté.

    Nous voici, au soir,

    parcourant des yeux

    le champ de bataille calme désormais.

    Les traces de mort, les plaies non encore cicatrisées

    donnent à notre joie

    le sceau de la lumière.

     

    Le paysage est en train de changer.

    Les hommes continuent à donner,

    mais sans rien attendre, ou presque.

    On dirait que la nature,

    d’une révérence filiale,

    se tourne vers un invisible

    de qui elle se reçoit.

    Nous choisissons,

    dans notre pauvreté,

    de nous insérer dans ce mouvement.

    Quelqu’un qui se fait proche,

    les bras grand ouverts,

    nous attend.

    Il nous donne,

    par notre soif,

    rendez-vous dans sa ville.

     

    Halte belle et nécessaire.

    Nous voici devant toi,

    qui nous élèves.

    Nous te donnons

    les mille divertissements

    qui nous ébranlent,

    les doutes qui nous divisent,

    les paresses.

    Nous savions qui tu étais,

    mais pas de tout notre corps.

    Aujourd’hui notre parole,

    tel un cri,

    s’en va vers toi.

    Nous laissons le mystère qui nous berce

    nous quitter

    et se jeter en toi.

     

    Sommes-nous seuls?

    Ou au contraire pour toujours

    dans le sein de l’humanité ?

    Dépouillés du plus intime de nous-mêmes,

    et saisis dans un au-delà de toute origine.

    Élevés,

    donc enlevés de terre,

    perdus,

    mais parmi des peuples de ciel.

    Pourtant,

    comme jamais auparavant les pieds sur terre,

    avec dans notre cœur,

    dans notre pensée,

    la certitude, non acquise mais reçue,

    d’un monde où même la haine

    rapproche.

     

    Le combat

    a la violence de qui s'acharne

    et la douceur

    de celui qui se laisse porter par les vagues.

    L’agression

    dont nous sommes les auteurs

    est bercée

    par un ciel qui nous emmène.

    Nous protestons,

    parce que le cœur d’où nous venons

    et qui veille sur nous

    exige notre révolte.

    Nous semons la discorde,

    d’où le repos pour tous

    comme dans des bras

    qui nous prennent d’amour.

     

    Nouvelle halte,

    aujourd’hui du côté de la pierre précieuse,

    ce domaine

    qui semble le contraire de notre ciel,

    une trahison de ses couleurs.

    Mais l’air que nous y respirons

    est le même.

    Cet état de destruction

    découle de notre création.

    Laissés ou blessés,

    conscients de n’y trouver aucune consolation,

    nous y venons pourtant volontiers,

    afin de ne pas perdre cette chance

    de connaître non l’envers

    mais le cœur

    de nos cieux.

     

    Dans cette démolition,

    progressive, irrésistible,

    réside la beauté.

    Nous voici,

    saisis dans ce processus,

    oubliés et oubliant,

    sans qualité

    si ce n’est la relation.

    Dans la matière, pour ainsi dire,

    nous sommes donnés l’un à l’autre.

    Bonheur absent,

    mais beauté,

    transfiguration du bonheur.

    Notre esprit ne s’envole plus

    mais, à ras le sol selon les sens,

    il est

    l’envol.

    Ce qui, alors que nous sommes seuls,

    nous brise

    invisible,

    devient,

    dans notre lien dépourvu de sentiment,

    spectacle de toute beauté.

     

    Le voyageur parfois

    est en quête d’une source d’eau fraîche.

    La route ne lui suffit pas.

    Il rêve, il a une aspiration,

    et elle s’empare de lui,

    et il l’expose au soleil.

    Alors le soleil se donne à lui.

    Comme s’il venait converser,

    il lui raconte une histoire,

    celle-là même qui est aujourd’hui

    la vie intense du voyageur,

    d’une eau qui à la fois

    désaltère et brûle,

    s’approche et se détourne,

    se laisse boire et s’évanouit.

    Et la route,

    pareille à un fleuve d’or et d’argent,

    reflète l’image

    du voyageur et de ses mille compagnons.

     

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