-
Convergence :
dès que le silence se tait
elle advient.
Son théâtre est la parole,
qui, même absente, n’est jamais interrompue.
Ses projecteurs sont les regards,
qui se concentrent sur la parole et la rendent visible.
Des mots à profusion,
étroitement liés,
tous grand ouverts sur l’inconnu,
sur l’autre,
telle une phrase dont le sens paisiblement se déroule le long d’une page blanche,
et bien au-delà.
Étonnement de la page blanche,
qui a tant d’histoires à raconter,
et les raconte,
car toujours elles rejaillissent.
Nous n’avons manqué aucun épisode.
C’est d’une lumière qu’il s’agit,
étincelante,
qui sans cesse renaît d’une toile de fond
noire.
Ou cette toile elle-même
est-elle
un ruissellement de lumière ?
Qui nous submerge.
Acteurs en déplacement sur la scène,
un geste imperceptible
nous retourne
et nous réunit sur la toile obscure.
Elle est notre page,
notre heure,
notre rendez-vous resplendissant.
Même absents
nous jouons un rôle
multiple,
incandescent.
***
Cette toile de fond,
noire comme un arc-en-ciel,
nous reçoit
dans la réalité.
Parmi un peuple qui exulte.
Qui dans un excès de couleur
livre la pensée de l’un à l’autre.
Il y a une immensité de la pensée
lorsque, multiple,
elle est le reflet d’un peuple.
Il y a une immortalité de la pensée
lorsque, incandescente,
elle consume l’imagination d’un peuple.
Nous sommes ici,
dans ce lieu d’inspiration,
où, absolument seuls,
nous ne connaissons pas la solitude.
Notre pensée,
mienne et nôtre à la fois,
se développe sans partage
pour le jaillissement du peuple dont nous sommes l’image.
Il est notre avenir,
et notre origine,
notre faiblesse,
et notre grandeur.
Il est la beauté de notre œuvre,
et elle est sa parure.
Il la confectionne
lorsque nous nous retirons en lui.
Il est un peuple,
il est une personne,
un aperçu de l’ineffable.
Il nous emmène sur tous les continents :
dans la parole que nous nous donnons les uns aux autres
il montre son visage
et le pays que nous engendrons,
sa terre.
***
Nous avons retrouvé
l’éternité du temps.
Un instant qui a duré,
duré, et duré,
sans jamais cesser de vibrer.
Les vallées humblement se sont allongées devant nos yeux,
et les plaines, et les fleuves, se sont mêlés,
et les nuages ont rendu le ciel
plus bleu encore.
Je ne sais où était le soleil.
Au-dessus de nous ?
En nous ? Parmi nous ?
Partout !
Depuis, il n’a cessé de resplendir,
de nous effleurer,
de nous susciter.
Quelle délicatesse !
La même, qui porte les pensées
à se frôler,
à émettre une lueur
fugitive tout le temps de l’instant,
et finement signifiante.
Des pensées qui par nature
se donnent,
s’éclairent l’une l’autre,
se transforment,
engendrent des images qui affinent les regards,
et ne laissent d’ombre qu’étincelante.
Nous avons retrouvé
de la lumière l’infinité,
son visage de douceur,
sa raison,
tranquillement folle comme un cœur impatient.
Dans cette liberté,
la parole peut délivrer
tout le contraire
et faire de la terre obscure
une pierre
souple et radieuse.
***
Quelle que soit l’image qui se montre
elle vient pour ne jamais cesser de se développer.
Lorsque prévaut une simplicité
qui est davantage qu’une plénitude,
lorsqu’une paix dépouillée de toute fioriture
s’établit
comme si merveilleusement
le processus de création était fini,
lorsqu’un vide s’approche,
vous aime et vous libère,
une œuvre se poursuit à jamais.
Quelle est cette liberté
qui a les traits d’une relation ?
Quel est ce sens d’une mort
qui a la saveur d’un commencement ?
Quelle est cette continuité
qui ne laisse pas la moindre trace
d’un lien existant ?
La recherche
avance.
Les champs les plus divers
s’offrent à nous.
Dans chaque manque,
dans chaque énigme,
tout est là.
La pensée rencontre le cœur,
et constitue le corps.
Le cœur affaiblit la pensée,
la rendant ainsi apte
à modeler le corps.
Le corps vient devant,
parole et lumière
de la pensée.
La terre est le domaine du corps,
le lieu en nous et parmi nous
où il diffuse
l’éclat de la pensée.
Puis il cède la place au cœur,
qui par sa pauvreté
nous rapproche, nous éloigne, nous rapproche
dans une révélation de la terre
en acte pour toujours.
votre commentaire -
La terre,
immense liberté.
L’une est l’autre.
Elles nous sont données.
Dans un mouvement unique.
Êtres humains
nous sommes la terre,
nous sommes la liberté.
Laisser le poète nous nommer.
Nous promener avec lui,
nous asseoir avec lui.
Penser avec lui.
Dans un salon ou dans un train,
près de la mer ou à l’orée de la forêt,
il affine en nous
et parmi nous
les noms qui nous réalisent.
Nous progressons dans sa parole
comme si elle était la nôtre.
Elle s’étend, se déploie,
se précise, s’organise,
accomplit l’intuition,
donne chair au raisonnement.
Elle est description,
annonce,
proclamation.
À nous de la libérer
dans notre cœur,
dans notre corps,
dans notre pensée.
De la déclaration à la manifestation
il y a des gestes difficiles,
des mouvements de recul,
des approches,
des hésitations,
des hardiesses.
La liberté peu à peu vient en nous.
Un silence peut favoriser sa démarche.
Le privilégier, l’étreindre, le laisser se prolonger.
Qu’il s’installe sur notre sol !
Qu’il y construise sa ville !
Qu’un peuple vienne l’habiter !
Ici, en ce moment,
au sein de nos recherches,
de nos paroles, de nos idées,
de notre travail,
la liberté tranquillement
a l’allure et le visage
de notre terre.
***
Surprise.
Le mot résonne banal.
La réalité est au-delà :
comme une lumière ineffable,
comme une relation limpide,
comme une délicatesse affinée.
Et bien davantage !
Comme ce que l’on peut croire de l’humanité lorsqu’elle est seulement et entièrement reçue.
Comme ce que l’on peut voir de la liberté lorsqu’elle assume les traits d’un visage humain.
Comme ce que l’on peut toucher de la terre lorsqu’elle est simple dans son achèvement.
Aujourd’hui commence
une histoire des idées et de leur corps.
C’est une semence que l’on avait enfouie.
On voit poindre de minces tiges vertes, insignifiantes croit-on.
Au contraire ! Quelle richesse de sens recèlent-elles !
Les jardiniers le savent, bien qu’ils ne soient pas les semeurs.
Eux-mêmes sont comme des graines que l’on a jetées en terre.
Ils germent, et de leur sève viendra le sens.
Le nourrir, en prendre soin, le choyer.
C’est dans leur sein qu’il grandit.
Ils le connaissent dans leur intimité.
Ils l’étreignent dans sa froidure.
Ils lui transmettent la chaleur de leur corps,
devenant le froid à leur tour.
Le sens alors les embrasse,
leur prodigue des mots qui disent à chaque instant
une métamorphose inouïe !
La terre,
dans sa diversité,
est dense
et transparente.
***
Il y a une intimité
de la diversité.
Proches et lointains
dans le même instant.
Dans la joie (si loin !),
dans la douleur (si près !),
on esquisse
la liberté.
Elle ne crie pas.
Elle murmure.
Elle ne s’installe pas.
Elle voyage,
cherche l’unité
– mais qu’est-ce donc ? –
la trouve, immense,
la perd, plus vaste encore.
Comme un désert où l’on dit :
si loin !
et : quelle joie !
la voici,
étreinte par la multiplicité,
élevée par la variété,
anéantie
par l’intimité.
Comme un filet d’eau insaisissable
elle parcourt la terre,
son domaine,
et reflète le ciel,
sa tendresse.
Elle attend et elle a tout.
Réduite à rien
elle connaît de l’union
l’enchantement.
Toujours seule jamais seule
elle montre
l’arbre de vie
qui préside à toutes les sources.
Il y a un univers
dans l’intimité.
La liberté le manifeste
et le recrée.
C’est la fraîcheur
de notre convergence.
***
2 commentaires
Suivre le flux RSS des articles
Suivre le flux RSS des commentaires