• La terre,

    dans une immense étreinte du ciel,

    penche son visage

    de joie

    vers l’enfant

    et lui murmure

    merci !

    L’enfant,

    qui n’avait rien d’autre

    que confié à la terre

    une fleur

    s’émerveille.

    Parmi des larmes de lumière

    il se laisse couler

    dans le sein

    de la terre.

     

     

    La terre prend l’enfant,

    l’emmène

    dans l’espace,

    le laisse là,

    seul,

    et par la voix de la nuit

    lui suggère

    de prendre par la main

    chacune des étoiles,

    de les emmener

    sur la scène infinie

    de l’univers

    et d’un geste,

    d’un regard,

    d’un mot,

    rendre leur douceur

    à la clarté.

     

     

    Dans la nuit

    les étoiles sont des larmes

    qui baignent l’enfant

    toujours plus haut.

    Isolé

    parmi les myriades de rochers

    qui blessent l’espace,

    il ne voit pas.

    Une parole qu’il croit douce

    élève un mur.

    Il ne sait le franchir.

    La terre est de l’autre côté,

    et la fleur.

    À quelle infime lueur

    les perçoit-il ?

    D’un pas

    il contourne l’obstacle

    et se livre

    à leur cœur.

     

     

    Nuit lumineuse

    d’un espace où règnent

    les enfants et les fleurs.

    De loin en loin s’éprouve

    la blessure des rochers,

    repères épars

    d’un univers qui déborde.

    Instant

    de la terre

    qui livre au ciel

    et l’enfant et la fleur.

    Demeure étreinte

    ouverte

    au théâtre des étoiles.

    Le corps,

    la parole,

    la lumière

    dansent

    dans la clarté du cœur.

     

     

    Dans le sein de la terre

    il y a une nuit

    que l’enfant saisit

    pour donner le jour

    au ciel.

    Afin d’y parvenir

    il supplie la terre

    de le prendre dans ses bras.

    Au fond de cette étreinte

    la nuit épaissit

    et répand le parfum

    d’une fleur.

    Signe pour l’enfant

    que son aveuglement

    vient de la même contrée.

    Désir inassouvi

    de travailler

    se reposer

    dans la nuit de la terre.

     

     

    La saisie de la nuit

    pour l’enfant

    est, comme l’automne,

    la saison de la naissance.

    Il doit veiller,

    repérer chaque pan de noir,

    le retenir.

    L’étreindre.

    Le transformer.

    L’assoupissement même,

    sitôt conscient,

    est un brin d’obscur à prendre.

    L’angoisse insistante

    non rejetée mais embrassée

    est une étoile nouvelle.

    L’éloignement du poème

    engendre

    forcément

    le chef-d’œuvre nocturne.

     

     

    Chérir la séparation.

    Loin de l’enfant

    s’en va

    l’espace des étoiles,

    parce qu’il lui appartient.

    Dans le calme,

    chercher le départ,

    dans l’harmonie,

    repérer la déchirure.

    Derrière la toile lisse

    l’enfant attrape

    l’envers rugueux.

    Il veut s’y défaire,

    dans les nœuds

    ne connaître que le ciel.

    Anéanti

    il respire

    le parfum de la fleur

    dans les eaux de la terre.

     

     

    Pour construire

    sur les terres de la terre

    l’espace des étoiles

    l’enfant

    a décidé de saisir

    les lignes dures

    de chaque paysage.

    Il veille,

    dans l’inattendue

    lueur de la fleur.

    Il en donne, sans mesure,

    les pétales

    et voit

    la tristesse

    changée en grâce.

    Les paysages se revêtent

    de sens,

    telles de pauvres

    fondations

    qui rapprochent

    les étoiles.

     

     

    Dans sa veille

    l’enfant tend l’oreille :

    il écoute

    la trajectoire des étoiles.

    Leurs formes,

    sensibles,

    exigent

    l’attention.

    Le moindre bruit qu’il émet

    les détourne,

    comme si l’espace

    se détruisait.

    Discret,

    le silence

    appelle

    l’enfant.

    Il est le visage

    inépuisable

    de la terre.

     

     

    Dans l’espace peut-être défait,

    voici l’enfant

    saisi dans sa tête

    par la destruction.

    Serait-ce le succès des étoiles ?

    Il reste

    à embrasser le désastre,

    à recevoir dans le sourire

    la dévastation,

    à reproduire

    les traits de la misère

    sur le visage de la terre.

    Celle-ci

    est la demeure de l’origine,

    la conception de la fleur.

    Elle connaît

    les cimes de désolation

    où règnent

    le soleil et les enfants.

    La décomposition

    en elle rayonne.

     

     

    Si chaos il y a dans l’espace,

    voici l’instant

    pour s’y jeter.

    Si déroute il y a

    dans l’esprit,

    voici le moment

    pour s’y laisser.

    Étoiles bousculées,

    mélangées,

    nuit

    retournée,

    corps

    rigide

    inapte à se tenir,

    échappe,

    et dans la chute

    reçoit

    en un éclair sur la terre

    la promesse

    de la fleur.

     

     

    Demeurer jusqu’au bout dans la chute,

    dans la perte de l’espace,

    là où les étoiles ne brillent plus

    et se lèvent.

    L’univers,

    comme un théâtre sans cesse

    inachevé,

    offre

    son échec.

    À saisir

    chaque fois qu’il se répète.

    Si étouffement il y a,

    sur la terre se respire

    le grand air,

    une solitude qui debout

    ne sait plus donner le jour.

    L’automne n’a pas de sens

    et comble.

    Dans ses feuilles qui tombent,

    une fleur.

     

     

    Si l’automne meurt,

    tout est possible,

    la naissance des fleurs,

    la projection des étoiles,

    le resplendissement de la terre.

    La saison

    s’invente.

    Les poids

    se soulèvent.

    La nuit règne,

    au service du jour.

    Univers

    créé pour être fidèle

    à sa destruction,

    au faîte de son anéantissement

    semblable au soleil.

    Perdue

    et donc royale

    la fleur

    demande l’enfant.

     

     

    La rencontre s’effectue

    au bout de l’espace,

    sur la planète

    inconnue

    où se perd le voyage.

    Renaissance

    du temps.

    Un néant de passage

    confirme

    le paysage.

    Les étoiles

    de loin

    commencent à luire.

    Un théâtre se construit.

    La terre,

    dans une immense étreinte du ciel,

    incline le visage

    et souffle :

    Pars !

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